Budget de la Défense : La grande cacophonie

En révélant l’existence d’un « plan caché » du gouvernement visant à réduire annuellement les crédits du ministère de la Défense de 2 milliards d’euros pendant 3 ans dans le cadre de son plan d’économies de 50 milliards, le député et ancien ministre Xavier Bertrand a mis les pieds dans le plat. Ce qui lui a d’ailleurs valu de se faire traiter d’irresponsable par Michel Sapin, le ministre des Finances (RTL, le 18 mai)

Entre démentis et « éléments de langage » maintes fois entendus (tout le monde doit faire des efforts, etc…), Manuel Valls, le Premier ministre, et M. Sapin n’ont pas réussi à rassurer la communauté militaire sur leurs intentions.

Pire même : les chefs d’état-major ont mis leur démission dans la balance, dans le cas où la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont l’encre n’est pas encore sèche, devait être amputée des crédits qu’il est prévu de lui affecter. Cette dernière a été calculée au plus juste : elle est un équilibre entre la nécessité de faire des efforts pour redresser les comptes publics et le maintien des capacités des forces armées ainsi que des compétences industrielles.

Pour rappel, son montant est de 14 milliards moindre par rapport à la précédente, votée sous le quinquennat du président Sarkozy… En clair, la défense a déjà donné et aller plus loin serait provoquer le déclassement stratégique de la France que ni les chefs d’état-major, ni leur ministre de tutelle, Jean-Yves Le Drian, ne souhaiteraient endosser, surtout après avoir mouillé la chemise pour « vendre » la LPM 2014-2019 aux militaires.

Pour compliquer davantage le débat, le quotidien Le Figaro a publié des extraits d’une lettre qu’a envoyée M. Le Drian au Premier ministre pour l’avertir des conséquences de possibles coupes (355 millions) sur l’exercice 2014 et non pas dans sur le budget triennal.

Quoi qu’il en soit, cela fait maintenant près de deux semaines que la question sur d’éventuelles coupes dans les crédits militaires est posée… Et jusqu’à ce 22 mai, le président Hollande, chef des armées, s’est tenu bien à l’écart des débats, lui qui avait promis, du temps où il était candidat, que la défense ne servirait pas de variable d’ajustement budgétaire. Il avait ensuite répété cet engagement au moins à 3 reprises (mars et juillet 2013, janvier 2014, lors des voeux aux armées).

Cela étant, l’Elysée a fait savoir qu’un « abritrage » sur les crédits de la Défense serait rendu « dans les prochaines semaines ». Pourquoi attendre aussi longtemps si les choses sont claires? « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout », disait l’ancien président du Conseil Henri Queuille, pour qui le chef de l’Etat, dit-on, nourrit de l’admiration… A-t-il cette phrase, ou du moins une variante, à l’esprit?

Quant à la lettre adressée au Premier ministre par M. Le Drian, la présidence a souligné qu’elle « date du 9 mai dernier » et qu’elle « s’inscrit dans le cadre de la procédure budgétaire ». Fermez le ban.

Là-dessus, M. Valls (qui n’a pas de conseiller « défense » au sein de son cabinet) a assuré, peu de temps après, que la LPM sera « totalement préservée ». Dans ces conditions, que va « arbitrer » le président de la République? Et d’ajouter : « Il est temps tourner la page de ce débat, de ces rumeurs ». Des rumeurs vraiment? Peut-on envisager de démissionner, comme les chefs d’état-major en ont l’intention, sur des rumeurs?

Mais si les crédits de la LPM sont préservés (190 milliards d’euros sur 5 ans), rien n’empêche de faire une petite manipulation comptable tout en respectant l’enveloppe globale, comme par exemple en jouant sur le financement des surcoûts liés aux opérations extérieures.

Comment? Le député Philippe Meunier a une idée. « Ils vont transformer les OPEX en bases prépositionnées sur l’arc sahélien. Or, il faut savoir que ces dernières ne sont pas financées comme le sont les OPEX par le budget général mais par le budget du  ministère de la Défense », a-t-il expliqué dans un récent entretien. Cela étant, M. Le Drian a donné l’assurance que ce ne sera pas le cas lors d’une audition devant la commission « Défense » de l’Assemblée nationale (seule l’opération Licorne, en Côte d’Ivoire serait concernée par une telle mesure).

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