L’Otan révise ses plans pour défendre les Etats baltes

« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties », dit l’article 5 du Traité de l’Otan.

Quand les Etats baltes et la Pologne ont rejoint l’Alliance atlantique et l’Union européenne, la question d’une éventuelle menace militaire russe ne se posait pas. Seulement, avec les récents événements en Ukraine, cette estimation a changé.

Aussi, que se passerait-il si, par exemple, les pays baltes invoquaient ce fameux article 5 dans le cas où la Russie violerait leurs frontières ou tenterait de les déstabiliser?

Un rapport du Sénat, certes déjà ancien puisqu’il a été diffusé en 2004, dit : « L’adhésion à l’Otan et à l’Union européenne des trois pays baltes cristallise tous les états d’âme et ressentiments russes à l’égard de cette recomposition majeure du continent européen. Il s’agit en effet, du point de vue russe, de l’aspect le plus douloureux puisque ces pays étaient incorporés à l’URSS il y a quinze ans encore. Les griefs exprimés à leur encontre sont multiples, mais le plus important d’entre eux concerne le sort réservé aux minorités russophones en Estonie et en Lettonie sur le plan de l’accès à la citoyenneté et du statut de la langue russe et de l’enseignement russe ».

Pour le moment, l’Otan a renforcé ses moyens en matière de surveillance aérienne (mission Air Baltic) et organise des exercices militaires, dont le dernier en date, « Steadfast Javelin 1 », qui rassemble, depuis le 16 mai, 6.000 soldats originaires des pays baltes, du Danemark, de la Belgique, de la France, de Pologne, des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Le scénario de ces manoeuvres vise à préparer les forces alliées contre une éventuelle invasion de l’Estonie.

Cet exercice « témoigne du ferme engagement de l’Otan en faveur de la défense collective dans la région de la Baltique », a fait valoir le général allemand Hans-Lothar Domröse, le patron du Commandement allié des forces interarmées de Brunssum.

Pour autant, cela est-il suffisant?  A priori, non. L’exercice Steafast Javelin 1 implique 6.000 hommes. A titre de comparaison, les manoeuvres Zapad 2013, menées conjointement par la Russie et la Biélorussie en septembre dernier, ont mobilisé plus de 22.000 militaires, 500 blindés, 10 navires de guerre et 90 avions de combat…

« A l’heure actuelle, l’Alliance ne pourrait pas protéger les pays baltes avec des moyens militaires classiques », a estimé Elmar Brok, expert de la politique étrangère et de l’Union européenne de la CDU (centre-droit), dans les colonnes de Der Spiegel. Et pour cause : depuis la fin de la Guerre froide, les pays européens ont réduit drastiquement leur effort de défense, sacrifiant, pour certains, des pans entiers de leurs capacités militaires (les Pays-Bas et la Belgique ont remisé leurs chars lourds, par exemple) tandis que les Etats-Unis ont largement diminué leur présence sur le Vieux Continent.

En outre, la Pologne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a estimé que l’Otan doit faire pour elle ce qu’elle a fait dans d’autres pays. « Il y a des bases en Grande-Bretagne, en Espagne, en Allemagne, en Italie, en Turquie. Ce sont des endroits sûrs. Mais il n’y a pas de bases là où elles seraient vraiment nécessaires », a-t-il dit.

« Il faudrait environ un an et demi avant que les membres de l’Otan soit suceptibles de fournir une réponse adaptée… s’ils en ont une », selon un conseiller du gouvernement allemand, selon qui les plans actuels de l’Alliance pour les pays baltes sont « dépassés ».

Ce constat est partagé au sein de l’Otan. « Nous étudions et mettons à jour nos plans de défense et envisageons d’autres mesures sur le long terme » a ainsi confié un porte-parole à l’hebdomadaire allemand.

En attendant, différents scénarii sont étudiés par l’Otan, qui, dans une note classifiée d’évalution de la situation, également évoquée par Der Spiegel, estime que « la capacité de la Russie à entreprendre une action militaire importante avec un faible préavis constitue la menace la plus grande pour le maintien de la sécurité et de la stabilité dans la région euro-Atlantique ». Et d’ajouter : « La Russie peut constituer une menace militaire locale ou régionale à court terme à un endroit de son choix. C’est à la fois déstabilisant et menaçant pour les alliés limitrophes ou à proximité ».

L’hebdomadaire croit savoir que des rapports, pour le moment classés « top secret », seront prochainement soumis à la direction politique de l’Otan, à Bruxelles, puis aux ministres de la Défense ainsi qu’à ceux des Affaires étrangères des Etats membres au début du mois de juin. Ils « représenteront sans doute la première étape d’un long débat sur la capacité de l’Alliance à prendre des mesures, son orientation stratégique et les niveaux de budgets nationaux de défense », écrit Der Spiegel.

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