Washington exprime ses inquiétudes sur la vente des 2 BPC à la Russie

Dès que Moscou fit part de son intention de doter sa marine de Bâtiments de projection et de commandement (BPC) français, en 2009, des élus américains, principalement du Parti républicain, montèrent au créneau pour dénoncer ce projet.

Un an plus tôt, la Russie venait de s’imposer militairement aux dépens de la Géorgie au sujet de la république séparatiste géorgienne d’Ossétie du Sud (et l’Abkhazie en profita pour se rapprocher de Moscou). A l’époque, l’amiral Vyssotski, alors commandant de la marine russe, avait expliqué que de tels BPC lui aurait permis de déployer des troupes « en 40 minutes au lieu de 26 heures ».

Au Congrès, et alors l’administration Obama souhaitait améliorer les relations russo-américaines (politique du « reset »), des élus républicains de la Chambre des représentants déposèrent donc une résolution qui, rédigée par Ileana Ros-Lehtinen (devenue depuis président de la commission des Affaires étrangères), estimait que « la France et les autres Etats membre de l’Otan et de l’Union européenne devraient renoncer à vendre des systèmes d’armements majeurs à la Fédération de Russie ».

Et d’ajouter que la vente d’armes modernes à Moscou aurait « un effet déstabilisant » sur une région allant de la Baltique à la mer Noire. Ce que pensent également les pays qui, à tort ou à raison, craignent l’attitude de leur puissant voisin, comme par exemple les pays baltes.

Quoi qu’il en soit, et comme on le sait, la vente ferme de deux BPC de type Mistral fut conclue en juin 2011 pour 1,2 milliards d’euros. Pouvait alors commencer la construction du premier navire, à savoir le Vladivostok, selon le cahier des charge russe.

En mars 2012, le contrat concernant ces deux BPC fut une nouvelle fois pointé par un rapport américain rédigé par le Congressional Research Service, à la demande du sénateur républicain Richard Lugar. L’idée de ce dernier était d’avoir une évalution aussi précise que possible des conséquences des ventes d’armes à Moscou par les pays membres de l’Otan.

Car la France n’était alors pas la seule à lorgner sur le marché russe : l’allemand Rheinmetall avait obtenu un contrat de 131 millions de dollars pour construire un centre d’entraînement pour les troupes russes tandis que les industriels italiens Iveco et Oto-Melara comptaient founir des véhicules blindés.

Cela étant, s’agissant des 2 BPC destinés à la marine russe, le rapport estimait qu’il s’agissait alors de « la première vente d’armements offensifs importants par un pays membre de l’Otan à la Russie » et que ce « contrat mettait en lumière les tensions au sein de l’Alliance sur les relations à adopter avec la Russie ».

Depuis, les relations entre Moscou et la plupart des capitales occidentales se sont dégradées, en raison de la crise en Ukraine. La France a ainsi décidé de suspendre sa coopération militaire avec la Russie et de participer activement aux mesures de « réassurance » décidées par l’Otan à l’égard des pays d’Europe de l’Est.

Quant au sort des deux BPC, « qui ne sont pas armés mais qui seront des bateaux militaires quand ils arriveront en Russie », dixit M. Le Drian, leur livraison devra être confirmée – ou non – à l’automne prochain, même si, pour le moment, le programme suit son cours : 400 marins russes sont attendus en juin à Saint-Nazaire pour s’approprier le Vladisvostok et la poupe du second navire, le Sebastopol, a été mise à l’eau par le chantier naval Baltiïski Zavod de Saint-Petersbourg pour être prochainement envoyée en France.

Aussi, et alors que l’avenir de ce contrat se jouera à l’automne, les Etats-Unis ont fait part à la France de leurs inquiétudes à ce sujet.

« Nous avons de manière régulière et constante exprimé nos inquiétudes à propos de cette vente (…) et nous continuerons de le faire », a ainsi Victoria Nuland, la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Europe, alors que le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui avait évoqué une annulation de ce contrat en mars avant de se raviser, est attendu dans les prochains jours aux Etats-Unis.

Obligée de présenter de ses excuses après avoir dit « fuck the UE » (que l’UE aille se faire foutre), lors d’une conversation téléphonique ayant été opportunément publiée sur Youtube en février, Victoria Nuland a présisé que Washington avait déjà abordé cette question avec Paris avant les derniers agissement de la Russie en Ukraine.

Reste que la position de la France est compliquée. Peut-elle livrer ces deux BPC à la Russie tout en condamnant de manière ferme l’attitude de cette dernière en Ukraine et en restant solidaire avec ses alliés de l’Otan? En outre, il y a l’aspect financier de cette affaire, Moscou ayant averti qu’il y aurait forcément une demande d’indemnités en cas de non exécution du contrat.

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