Les députés ont adopté en première lecture le projet de loi relatif aux « activités privées de protection des navires »

Le sujet exaspérait l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud. Lors d’une audition parlementaire, il s’était emporté sur l’interdiction faite aux armateurs français de solliciter des entreprises de sécurité privées pour protéger leurs navires contre la menace de la piraterie maritime.

« Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage, et pour des raisons d’angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n’avons pas avancé », avait-il déploré, en soulignant le risque de voir « des armateurs prêts à se dépavillonner, avec les conséquences économiques qui en résulteraient » et d’anciens militaires français être employés par des société militaires privées étrangères.

Depuis, la réflexion a avancé. Et pas qu’un peu puisqu’un projet de loi avisant à réglementer les « activités privées de protection des navires » a été adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, le 29 avril. Il faut dire que l’on part de loin, les sociétés militaires privées étant perçus, à tord ou à raison, comme étant des nids de « mercenaires », lesquels n’ont pas bonne presse en France.

Jusqu’à présent, les armateurs pouvaient s’adresser à la Marine nationale qui, depuis 2009, et sous certaines conditions, leur permet d’avoir recours à des Equipes de protection embarquées (EPE). En tout, 93 ont été déployées jusqu’à ce jour, principalement à bord des navires de pêche. Pour les bâtiments de commerce, c’est plus compliqué : 70% des demandes, en moyenne, ont été satisfaites en 5 ans.

« Les délais de mise en place d’une EPE sont soumis à de fortes contraintes logistiques et diplomatiques et s’avèrent donc parfois difficilement compatibles avec les impératifs économiques des armateurs. En outre, il semble évident que ceux-ci minimisent leurs demandes, conscients que toutes ne pourront être honorées », a ainsi expliqué lors des débats Nicolas Bays, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

En outre, la « Marine nationale n’est pas en capacité de répondre à l’ensemble des besoins, et toute une partie de la flotte française demeure privée d’une protection adaptée, alors qu’elle souhaiterait y avoir recours. On ne saurait évidemment s’en satisfaire, dans la mesure où sont en jeu des vies humaines et, secondairement, la protection des biens. Le recours à l’action complémentaire de gardes privés armés est donc nécessaire, à condition d’être strictement encadré », a encore fait valoir M. Bays.

« C’est de la responsabilité de l’Etat que de s’assurer que les navires battant pavillon français ont les moyens de se protéger. Ce projet de loi permet d’assurer la sécurité de nos navires et de renforcer la compétitivité du pavillon français et du transport maritime », a, pour sa part, plaidé Frédéric Cuvillier, le secrétaire d’Etat aux Transports.

Le projet de loi autorise ainsi les armateurs à solliciter les services d’une entreprise privée de sécurité, contrôlée et autorisée par l’Etat, lorsque leurs navires auront à traverser des zones à risques. L’usage de la force sera uniquement limité aux situations de légitime défense et les conditions d’armement seront strictement encadrées. Le seuil minimum d’agents pouvant être embarqués a été fixé à trois, soit l’effectif plancher pour assurer une protection efficace.

Détail curieux : l’amendement 39 – présenté par le gouvernement – à l’article 9 du projet de loi prévoit que « les documents contractuels et publicitaires émis par les sociétés privées de protection des navires ne peuvent faire état de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire que pourrait avoir l’un des dirigeants ou agents de l’entreprise » car, selon M. Cuvillier, il est « nécessaire (…) de maintenir une distinction sans ambiguïté entre ce qui relève des prérogatives de la sécurité publique et le champ des activités privées de sécurité, afin d’éviter par le biais d’un affichage des fonctions précédemment exercées au nom de l’État de faire naître une confusion ».

Cet amendement a été vivement contesté, même si, au final il a été approuvé après un compromis. « La commission de la défense, dans son ensemble, s’est interrogée sur la pertinence de cette disposition dans la mesure où l’appartenance passée aux forces de police ou aux forces armées constitue non seulement un argument commercial non négligeable, mais également une garantie de professionnalisme a priori pour le client. En outre, une telle interdiction créerait un handicap de compétitivité pour nos entreprises nationales par rapport à la concurrence, notamment anglo-saxonne », a fait valoir Nicolas Bays.

Cela étant, au sein de l’Union européenne, 11 pays ont déjà autorisé la présence de gardes armés à bord des navires de commerce ou de pêche. Pour les armateurs, la piraterie maritime coûte entre 5,1 et 8,7 milliards d’euros par an, selon les diverses évaluations. Et cela notamment à cause du renchérissement des frais d’assurance, les dépenses de sécurité ou encore de carburant.

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