Dans un message aux Armées, M. Le Drian fait une mise au point sur le génocide rwandais

A l’occasion du 20e anniversaire du génocide rwandais, le président Paul Kagame s’en est une nouvelle fois pris à la France et à ses forces armées, les accusant d’avoir être complices des massacres, voire même d’y avoir participé. Bien évidemment, ce dernier se garde bien d’évoquer l’attitude du FPR, le mouvement rebelle qu’il dirigeait à l’époque (et il y aurait beaucoup à en dire) et encore moins la sienne dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo et l’assassinat d’opposants à l’étranger…

Suite à cela, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères au moment des fait, a demandé une réaction forte au gouvernement français, lequel a annulé la participation de Mme Taubira, ministre de la Justice, aux commémorations prévues à Kigali. De leur côté, le général Lafourcade et le colonel Hogard, qui prirent part à l’opération Turquoise, lancée au Rwanda par la France en juin 1994 après avoir obtenu le feu vert des Nations unies, sont montés au créneau pour défendre l’action de l’armée française.

A l’Assemblée nationale, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, Manuel Valls, a affirmé ne pas accepter « les accusations injustes qui pourraient laisser penser que la France ait pu être complice d’un génocide au Rwanda alors que son honneur, c’est toujours de séparer les belligérants ».

Et, ce 11 avril, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a fait une mise au point dans un message adressé aux Armées. « Les mots ont un sens et, dans ces circonstances, certaines accusations ne peuvent rester sans réponse », a-t-il écrit, sans évoquer le nom du président rwandais (cela dit, il n’est pas le seul à accuser la France, d’autres s’en chargent également à longueur de tribune).

Le ministre a également rappelé que la France fut la première « à reconnaître dans ces tueries un génocide et à réclamer un sursaut de la communauté internationale » et qu’en lançant l’opération Turquoise, elle a « assumé un risque qu’aucun autre pays ne souhaitait alors prendre ».

« Sauver un maximum de vies sans prendre parti dans la lutte pour le pouvoir qui était alors engagée : c’est le défi que beaucoup jugeaient impossible et que les troupes françaises de Turquoise ont pourtant relevé. Cette action, au milieu d’événements tragiques, est à porter au crédit de la France », a également fait valoir M. Le Drian.

« Vingt ans après, nous assumons pleinement cette Histoire », a-t-il poursuivi. Evoquant les conclusions de la mission parlementaire sur le Rwanda, qui, en étant indépendante et pluraliste, a « questionné sans tabou, en 1998, les motivations et la réalité de l’engagement français au Rwanda », le ministre de la Défense a affirmé qu’il n’y a « aucune place aux accusations inacceptables qui proférées à l’encontre de l’armée française ces derniers jours ».

Par ailleurs, M. Le Drian a souligné que « le ministère de la Défense a fait preuve d’une transparence exemplaire lors des procédures judiciaires engagées à la suite du génocide », avec, au total, plus de « 1100 documents déclassifiés ». Certains trouveront toujours que que c’est trop peu, l’association Survie, par exemple, demandant la déclassification et la publication de « tous les documents se rapportant à l’action de la France au Rwanda de 1990 à 1994 dans ses volets diplomatiques, militaires, politiques et financiers ».

« Notre devoir de mémoire trouve aujourd’hui ses prolongements dans l’action, face au risque que l’Histoire se répète. L’armée qui est courageusement intervenue il y a vingt ans, c’est celle-là même qui a délivré le peuple malien de la violence terroriste, et qui s’engage aujourd’hui, aux côtés des Africains, et notamment de soldats rwandais, pour prévenir une nouvelle tragédie en Centrafrique », a encore plaidé M. Le Drian.

Extrait de l’ordre d’opérations de Turquoise – 22 juin 1994

Les ordres d’opération sont établis le 22 juin 1994 à 10 h 16. La mission des forces de Turquoise est clairement définie ; il s’agit de “ mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force ”. Cette dernière précision découle directement des termes mêmes de la Résolution 929 qui autorise l’emploi de tous les moyens nécessaires, y compris la force, pour atteindre les objectifs humanitaires énoncés.

Tertio : Idée de Manoeuvre

1/ adopter une attitude de stricte neutralité vis-à-vis des différentes factions en conflit. Cet impératif signifie qu’il s’agit de faire cesser tant les massacres des Tutsis par les milices que les exactions commises par le FPR en représailles à l’encontre des Hutus;

2/ insister sur l’idée que l’armée française est venue pour arrêter les massacres mais non pour combattre le FPR, ni soutenir les FAR afin que les actions entreprises ne soient pas interprétées comme une aide aux troupes gouvernementales. L’expérience montrera qu’il était plus aisé de persuader le FPR que la France n’était pas de retour au Rwanda pour le combattre que de faire comprendre aux FAR que ce retour ne signifiait plus une aide ou un soutien;

3/ affirmer le caractère humanitaire de l’opération, en liaison, chaque fois que possible, avec les ONG. Ce point est important car il qualifie l’opération en même temps qu’il préfigure le concept d’intervention militaro-humanitaire.

La possibilité reconnue de recourir à la force nécessite la définition de règles d’engagement de la force en se fondant sur la notion de légitime défense élargie. L’emploi de la force est admis dans ce cadre lorsqu’il y a :

– menace sur les forces françaises;

– menace dans la mission de protection des personnes, soit contre les forces françaises, soit contre les populations protégées;

– obstruction dans l’exécution de la mission des forces françaises ; dans ce cas, l’accord du COMFORCE (Commandant de la force) sera recherché.

 

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