L’US Air Force a-t-elle raison de retirer du service ses avions espions U2?

L’aviation américaine dispose de deux appareils pour effectuer des missions de reconnaissance et d’espionnage (voire même plus si l’on prend en compte les drones furtifs RQ-170 Sentinel et RQ-180), à savoir l’avion U2 « Dragon Lady » de Lockheed-Martin et le RQ-4 Global Hawk de Northrop Grumman.

Depuis des années, et dans le cadre de mesures de rationalisation, le Congrès souhaite le retrait de la trentaine d’U2 afin de réaliser des économies. L’avion « espion » dont l’origine remonte aux années 1950 est considéré, par certains, comme étant dépassé, l’avenir étant aux drones, lesquels, comme le RQ-4 Global Hawk, n’exposent pas la vie d’un pilote et ont une autonomie beaucoup plus importante. Et, bien évidemment, il se cache derrière tout cela des considérations économiques et industrielles.

L’US Air Force a toujous été d’accord pour ne conserver qu’un seul type d’appareil. Et sa préférence est toujours allée vers le U2 car aucun drone ne peut, actuellement rivaliser avec lui. L’avion de Lockheed-Martin emporte ainsi des capteurs dont la masse est trop importante pour un Global Hawk. Autre point important : le Dragon Lady peut voler plus haut (70.000 pieds), par n’importe quel temps et dans un environnement constesté, ce qui n’est pas le cas du RQ-4.

D’ailleurs, cela se traduit par un taux de missions réussies plus élevé du U2 par rapport au Global Hawk dans la région Asie-Pacifique : 96% pour le premier, 55% pour le second, souvent cloué au sol lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises.

Un autre argument en faveur de l’U2 est qu’il n’est pas dépendant de liaisons satellites comme peut l’être le Global Hawk, qui en a absolument besoin pour être manoeuvré et transmettre les données qu’il recueille.

Mais ces éléments n’ont eu visiblement peu de prises chez certains élus, comme le représentant démocrate James Moran. « Le U-2, comme vous le savez, a un pilote. Et je soupçonne que c’est là le vrai problème : le sans pilote par rapport à l’engin piloté », avait-il déclaré, lors d’une audience en mai dernier. Ce à quoi le chef d’état-major de l’US Air Force, le général Welsh, répondit : « Qu’un pilote soit à bord d’un avion ou pas n’a absolument rien à voir. (…) Nous voulons la plate-forme qui fera le meilleur travail dans l’accomplissement de la mission qui nous est assignée, avec ou sans équipage. »

Cependant, les responsables de l’aviation américaine ont fini par rendre les armes, avec la présentation du projet de budget pour l’année fiscale 2015. Pour faire des économies, il a été décidé de retirer du service les avions spécialisés, comme l’est l’A-10 Thunderbolt pour les missions d’appui au sol. Et comme le pouvoir politique veut imposer le Global Hawk, le U2 est appelé à connaître le même sort.

Selon Lockheed-Martin, les U2 actuels, qui ne sont évidemment pas ceux entrés en service dans les années 1960, n’auraient utilisé que « 20% de leur portentiel prévisionnel » et que ses appareils ont encore, en moyenne, 60.000 heures de vol devant eux, soit 35 ans d’activité opérationnelle.

Pour autant, le retrait des U2 permettra-t-il de faire des économies? Ce n’est pas certain. Du moins, elles ne seront pas aussi importantes qu’espérées. Car pour que le Global Hawk puisse faire être aussi performant dans le recueil du renseignement, il faudra à l’US Air Force dépenser 1,77 milliards de dollars, dont 500 millions rien que pour mettre au point une « charge utile universelle » qui le doterait de capteurs équivalents à ceux de l’avion de Lockheed-Martin.

Or, le retrait des U2 permettrait d’économiser 2,2 milliards de dollars. La différence ne serait donc que de 430 millions. Et encore, sans doute est-ce optimiste car l’adaptation du Global Hawk peut générer des surcoûts. Le prix de cet appareil, avant son lancement, avait été estimé 35 millions de dollars. Il est désormais de  220 millions de dollars (coûts de développement compris) selon le Congressional Research Service.

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