Centrafrique : Les militaires français font face à « une forme de raidissement » des anti-balaka

 

« Ceux qui se disent ‘anti-balaka’ sont devenus les principaux ennemis de la paix en Centrafrique, ce sont eux qui stigmatisent les communautés, ce sont eux qui agressent la force Sangaris », avait affirmé, le 10 février, le général Soriano, le commandant de l’opération Sangaris, lancée le 5 décembre en Centrafrique. Ils « seront chassés comme ce qu’ils sont: des hors-la-loi-et des bandits », avait-il aussi prévenu.

Plus d’un mois plus tard, ces miliciens « anti-balaka », dont certains se sont rendus coupables d’exactions contre la population musulmane centrafricaine en représailles aux atrocités commises sur les chrétiens par les combattants de l’ex-Séléka, alors au pouvoir, n’ont pas cessé d’agresser les militaires français.

« Nous avons noté une forme de raidissement des anti-balaka, qui traduit sans doute l’impact qu’ont la force Sangaris et la Misca (ndlr, Mission internationale de soutien à la Centrafrique) sur les zones où ils sont implantés », a ainsi affirmé le colonal Gilles Jaron, le porte-parole de l’Etat-major des armées (EMA), le 20 mars. « Clairement, nous les gênons et ils commencent à réagir parce qu’ils perdent pied à certains endroits », a-t-il ajouté.

Ce « raidissement » expliquerait les « tirs sur les forces françaises, qui ont donné lieu à des ripostes » qui ont eu lieu ces derniers jours. Des tensions persistent encore à Bangui, notamment aux sorties nord de la capitale centrafricaine, mais aussi sur l’axe routier (Main Supply Road, MSR) dans l’ouest du pays, en particulier dans les régions de Bossemblé et de Bouar.

« Lorsque nous sommes en reconnaissance d’axe, des groupes armés tentent d’installer des check-points, de barrer l’axe pour racketter les convois ou faire pression sur la population », a expliqué le colonel Jaron. « Nous sommes intervenus pour les déloger. Certains ont considéré qu’ils pouvaient rester sur place et ont ouvert le feu contre la force Sangaris, nous avons immédiatement riposté et dégagé les axes », a-t-il poursuivi.

Le compte-rendu de l’EMA concernant l’opération Sangaris fait ainsi état de tensions à Boda, où « la situation reste tendue entre les différentes communautés ». Des éléments du Groupement tactique interarmes (GTIA) Savoie, armé principalement par le 13e Bataillon de chasseurs alpins (BCA), ont été pris à partie à deux reprises le 18 mars. « Les opérations conduites dans la ville ont permis de faire décroître la pression des groupes armés sur la population, notamment musulmane. La présence de la force Sangaris a favorisé le retour des ONG », a fait valoir l’état-major.

Toutefois, ce dernier veut voir des signes d’amélioration à Bangui. Ainsi, 39 écoles ainsi que l’université ont réouvert leurs portes et l’activité économique semble reprendre, avec 90% des marchés en activité. La situation des déplacés va dans le bon sens, avec 300 tentes démontées près de la zone de l’aéroport M’Pocko. « Le mouvement est plutôt aujourd’hui au reflux », estime l’EMA, pour qui l’expérience du quartier pilote dans le 5e arrondissement « apparaît être une réussite ».

Par ailleurs, les militaires français ont découvert de nouvelles caches d’armes à Bangui, contenant notamment « des obus de mortier en petit nombre », 3 AK-47, 10 fusils et une « bombe de 120 kg ».

Pour autant, la semaine a été marquée par l’alarme lancée par Ertharin Cousin, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM), qui a effectué une visite à  Bossangoa dans le nord-ouest de la Centrafrique.

« Aujourd’hui, j’ai entendu des témoignages déchirants de femmes et d’enfants ordinaires qui ont perdu des membres de leur famille dans les violences et attaques traumatisantes qui les ont contraints à fuir », a-t-elle raconté. Et de constater « une insécurité alimentaire et un niveau de malnutrition alarmants, dus « à la combinaison de violences sporadiques persistantes et de ressources financières insuffisantes. Et cela risque ne pas s’arranger…

« On arrive maintenant à la saison des pluies, et elle va être extrêmement difficile pour les gens qui vivent dans les camps de déplacés. On arrive aussi à la période des plantations et les gens n’ont plus de moyens. Le PAM n’a pas suffisamment de fonds pour aider ces gens à reprendre l’agriculture, pour qu’ils puissent se nourrir dans l’année qui vient », a expliqué Fabienne Pompey, porte-parole du Programme alimentaire mondial à Bangui.

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