Les insuffisances de l’aide extérieure de l’Union européenne en matière de sécurité et de défense

Ancien commandant de la Force maritime des fusiliers marins et commandos (ALFUSCO) et de la zone maritime de l’océan Indien et commandant des forces françaises aux Émirats Arabes Unis (ALINDIEN COMFOR EAU), l’amiral Marin Gillier est actuellement à la tête de la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), qui a succédé, au sein du ministère des Affaires étrangères, en 2009, à la Direction de la Coopération Militaire et de Défense (DCMD).

« Composée de diplomates, de militaires, de policiers et d’experts de la protection civile, la DCSD travaille en étroite concertation avec le ministre de la Défense et celui de l’Intérieur. Elle propose une coopération structurelle, complémentaire d’une coopération opérationnelle menée par l’État-major des armées, les différentes armes et la gendarmerie d’une part, et par la direction de la coopération internationale (DCI, ex-SCTIP) d’autre part », explique le Quai d’Orsay.

Pour fonctionner, la DCSD dispose, chaque année, d’un budget de près de 100 millions d’euros, répartis sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », dont le montant a été divisé par 2 depuis 5 ans qui diminuera encore de 15% sur la période 2013-2015, et le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

La mission de la DCSD est de mener des programmes de coopération structurelle en matière de défense et de sécurité avec les pays qui en font la demande. Mais, sa priorité géographique, actuellement, est l’Afrique, et en particulier la zone sahélienne.

Pourtant, l’on pourrait avoir des doutes quant à l’efficacité de son action au Mali et en Centrafrique, quand l’on voit ce qui est arrivé dans ces deux pays… Aussi, l’amiral Gillier a abordé sans ambages ces deux cas lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense, le mois dernier.

Selon lui, trois séries de raisons expliquent l’effondrement de ces Etats. La première est liée au clientélisme politique et à la corruption généralisée. « Ils souffraient à la fois d’un manque de volonté politique, notamment à l’endroit du dispositif de défense, et d’une faiblesse des administrations, incapables d’assimiler l’apport des actions de coopération. Sur le plan politique, le radicalisme gagnait les cœurs et les esprits », a-t-il expliqué.

Ensuite, et c’est la deuxième séries de causes, la faiblesse des forces armées de ces pays, faites de « de bric et de broc, qui pouvaient bénéficier d’une aide importante, mais provenant de pays multiples, et dont le matériel était hétéroclite », et donc difficile à entretenir. Le tout avec une « rupture du lien entre l’encadrement et la base, les officiers généraux vivant dans l’aisance alors que les troupes manquaient de tout ».

Enfin, dernière série évoquée par l’amiral Gillier, « les insuffisances de l’assistance internationale », avec une évidence qui ne l’est pas pour tout le monde, à savoir qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité. Et réciproquement. « À la direction générale  ‘Développement et coopération’ (DEVCO) de la Commission européenne, par exemple, on ne veut pas entendre parler d’uniformes! D’autre part, le manque de coordination de l’aide internationale a conduit à une véritable gabegie. Certains pays se sont fait financer trois fois les mêmes programmes sans que les bailleurs le sachent! », a déploré l’ancien ALFUSCO. « Une ambassadrice française me disait encore récemment : ‘Surtout, ne donnez pas de matériel; des halls entiers sont remplis de véhicules qui ne servent à rien! », a-t-il raconté pour illustrer son propos.

Cela étant, l’amiral Gillier fait preuve d’un certain volontarisme pour mener à bien la mission qui lui a été confiée. Ce qui est compliqué avec des budgets en baisse… Aussi, il a pris son bâton de pélerin pour aller à Bruxelles parce que, au titre de l’aide extérieure de l’Union européenne, des « centaines de millions d’euros de crédits » sont « disponibles pour le secteur paix et sécurité en Afrique subsaharienne, sans que l’on sache très bien comment les utiliser ». Et d’ajouter : « À la DCSD, nous avons de nombreuses idées pour sécuriser et stabiliser la zone – ce qui est dans l’intérêt de tous ».

Et cela d’autant plus que l’UE n’a pas de coopérants dans plusieurs pays africains, même si elle y dispose de délégations (DUE) au titre de son action extérieure… « Elle a la vision diplomatique, mais il lui manque la connaissance intime des pays, nécessaire à la mise en œuvre d’opérations de coopération. Il en va de même pour les États-Unis d’Amérique. La France est peut-être le seul pays au monde à disposer d’une telle ressource, héritage d’un siècle d’histoire commune avec l’Afrique francophone », a fait valoir l’amiral Gillier.

Or, les projets de coopération sont soumis à des appels d’offres. « L’aide extérieure de l’UE représente des opportunités considérables pour les opérateurs français (entreprises, consultants, organismes divers, ONG, associations, collectivités régionales, agences publiques …); elle donne lieu régulièrement à de nombreux appels d’offres, appels à propositions ou jumelages », souligne la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Or, déplore l’amiral Gillier, « l’Allemagne, avec la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) – l’Agence allemande de coopération internationale pour le développement – remporte 40 % des appels d’offres européens, et la France, 5 % ». Et d’en conclure que « cela n’est pas normal! »

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