Pour la Cour des comptes, le successeur de Louvois ne sera disponible que dans 3 ou 4 ans

Quand, en décembre dernier, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé devant les personnels du 93e Régiment d’Artillerie de Montagne (RAM) la fin programmée du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), responsable d’innombrables dysfonctionnements dans le versement des salaires des militaires, il avait promis un nouveau dispositif dès 2015, après la mise au point d’un prototype devant être prêt un an plus tôt.

Pour relever ce défi, le développement du successeur du système Louvois est géré comme l’est un programme d’armement. C’est d’ailleurs une équipe de la Direction générale de l’armement (DGA) qui conduit les opérations, lesquelles prévoient la sélection d’une prestataire extérieur pour la mise au point du nouveau calculateur. La procédure a été récemment lancée.

Seulement, pour la Cour des comptes, qui vient de publier un référé concernant Louvois, il faut s’attendre à ce que ce chantier prenne plus de temps. « Compte tenu de la charge de travail occasionnée par la maintenance du système actuel, de la complexité de développement d’un système de paye et des erreurs passées, il semble préférable de s’appuyer sur un des progiciels du commerce et de recourir à un prestataire extérieur, en veillant à bien définir les responsabilités de l’État et du cocontractant. », a-t-elle d’abord fait valoir.

Et d’ajouter : « En l’état des informations de la Cour, l’accomplissement de ces préalables, le développement (paramétrage) du produit et la réalisation de tests complets, rigoureux et fiables dans la durée ne pourront aboutir à la mise en oeuvre d’un nouveau système qu’à une échéance difficilement inférieure à trois, voire quatre ans ».

Pour le reste, les magistrats de la rue Cambon ont résumé les causes du naufrage du système Louvois, connues depuis longtemps. Et à les lire, on a l’impression que le désastre ne pouvait être qu’inéluctable. « Au final, le développement et la mise en œuvre de Louvois ont manqué de professionnalisme, tant au niveau des décideurs que des techniciens, dont les effectifs étaient au demeurant insuffisants », ont-ils ainsi asséné.

« Le rôle des agents qui effectuent la saisie des données de paye est essentiel » a fait valoir la Cour, qui estime par ailleurs « que la récupération des trop-versés constitue un enjeu important et qu’il est nécessaire de mettre en place des moyens humains adaptés pour leur recouvrement. Mais, a-t-elle poursuivi, « la forte pression à la réduction des effectifs a conduit à vouloir réaliser immédiatement les réductions de personnels qui devraient être à terme permises par 1’automatisation renforcée des processus de paye ». Et d’estimer que « la décision de fermeture des centres territoriaux d’administration et de comptabilité (CTAC) était prématurée ».

« Il était illusoire de penser qu’un système doté de contrôles automatiques puisse corriger des données insuffisamment précises ou incohérentes pour permettre le traitement correct de la solde. De plus, les quelque 200 contrôles intégrés, mis en place pour s’assurer de la cohérence des données, ayant eu un effet bloquant, il a été décidé, pour permettre d’assurer une continuité de traitement, de neutraliser la quasi-totalité de ces contrôles automatiques au lieu d’améliorer la fiabilité des saisies et des données des systèmes d’information de ressources humaines (SIRH). La qualité du résultat ne pouvait que s’en ressentir », explique le référé.

Si le facteur humain a été « négligé », l’organisation mise en place pour le chantier « Louvois » avait tout l’air d’une usine à gaz. « Les nombreux acteurs du projet relèvent de centres de décision différents, concurrents en termes d’influence et dont les priorités sont parfois contraires. La ligne de partage concernant les responsabilités en matière de ressources humaines (RH) évolue entre la direction des ressources humaines (DRH-MD) du secrétariat général pour l’administration, l’état-major des armées (EMA), les états-majors d’armée et les commissariats des armées, certains pouvant faire valoir des points de vue divergents », peut-on lire dans le référé.

Mais tout cela s’explique, dans le fond, par les réformes du ministère de la Défense, menée tambour battant alors que la système Louvois se mettait en place. « Les réorganisations multiples (disparition des commissariats, création du service du commissariat des armés (SCA), mise en place des bases de défense, etc.) et les changements de portage (implication de la DRH-MD, rôle de l’ÉMA et des états-majors d’armée en matière de ressources humaines, etc.) ont nui à une montée en puissance réussie », déplore la Cour des comptes.

Enfin, les magistrats financiers ont aussi épinglé le calculateur fourni par Steria. « Louvois recèle deux défauts intrinsèques. D’une part, l’architecture interne du calculateur, de par sa conception, est peu robuste, et sa maintenance est délicate. (…) D’autre part, les architectures respectives des données des SIRH et du calculateur n’ont pas été conçues de manière cohérente, rendant la communication problématique entre les deux systèmes », ont-ils déploré.

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