Prière de ne pas déranger les pilotes de chasse suisses en dehors des heures de bureau…

« En Suisse, l’armée est partout, mais on ne la voit pas », pouvait-on lire dans un reportage du Figaro, publié en novembre 2010. Et on ne l’a pas vu le 17 février, alors qu’un Boeing 767-300 d’Ethiopian Airlines assurant la liaison Addis-Abeba Rome avait été détourné vers Genève par son co-pilote.

L’avion en question a d’abord été pris en charge par deux Eurofighter Typhoon italiens, ce qui est normal étant donné qu’il a survolé l’Italie, puis par deux Mirage 2000 de l’armée de l’Air. Et l’aviation suisse? Pas un F/A-18 Hornet en alerte sur la base de Meiringen? Eh bien non…

De l’aveu même de Laurent Savary, un porte-parole des forces aériennes de la Confédération, les pilotes de chasse suisses sont disponibles uniquement pendant les heures de bureau, c’est à dire de 8h à 12h, puis de 13h30 à 17h. « C’est pour cela que nous avons des accords avec les pays voisins pour assurer la police aérienne en dehors des heures d’ouverture de nos aérodromes militaires », a-t-il expliqué. « Toutefois, des radars surveillent l’espace aérien suisse 24 heures sur 24. Et la collaboration avec les pays voisins a bien fonctionné lundi matin », a-t-il aussi affirmé.

Ainsi, par exemple, en janvier dernier, lors du sommet international sur la Syrie qui s’est déroulé du 21 au 23 janvier à Montreux, l’armée de l’Air française a été appelée à la rescousse par son homologue suisse afin d’assurer un renfort de la posture permanente de sûreté aérienne (PPS), au titre d’un accord de coopération entre Paris et Berne. La France a dépêché un avion radar E3F Awacs ainsi que des hélicoptères Fennec destinés à mettre en oeuvre les mesures actives de sûreté aérienne (MASA). Ces moyens ont complété ceux engagés par l’aviation suisse, à savoir un radar tactique, des avions F-5 et F-18 ainsi que des Pilatus PC-7 pour le guêt aérien. L’histoire ne dit pas si la surveillance s’est relâchée côté suisse après 17 heures ou au moment de la pause déjeuner…

Reste l’absence de l’aviation suisse lors de cette affaire de B-767 détourné ne manque pas de poser des interrogations de l’autre côté du Lac Léman…. « A quoi sert notre défense aérienne? », demande ainsi Le Matin de Lausanne. En outre, cet épisode survient alors qu’un référendum sur le mode de financement de l’achat de 22 avions de combat JAS-39 Gripen E/F doit avoir lieu en mai prochain. Et les opposants à cette acquisition ont trouvé là, avec une certain dose de mauvais esprit, matière à polémiquer. A quoi bon investir dans de nouveaux appareils s’ils ne peuvent pas voler en dehors des heures de bureaux?

Interrogé par le quotidien vaudois, Ueli Maurer, le ministre suisse de la Défense, y voit au contraire un argument en faveur de l’achat des 22 Gripen. Si l’aviation suisse ne peut pas intervenir 24 heures sur 24 (c’est à dire assurer un service de « piquet »), c’est à cause des restrictions financières.

La cause est « la politique et ses coupes incessantes dans notre budget », a en effet fait valoir Ueli Maurer, en soulignant que ce problème de permanence est « connu depuis longtemps ». Pour y remédier, il faudrait donc acquérir les avions de Saab, « beaucoup plus mobiles et modernes », a-t-il dit. Cela étant, quel que soit l’avion, cela ne change rien à l’affaire… Cependant, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS, le ministère suisse de la Défense, ndlr) va progressivement mettre en place un programme de veille 24h sur 24 d’ici 2020, appelé « Ilana ».

Quoi qu’il en soit, ces argments ont du mal à convaincre. « C’est l’incapacité d’Ueli Maurer de projeter une armée d’avenir qui nous empêche d’avoir une protection aérienne efficace. Il faudrait désinvestir dans les chars et investir dans les pilotes, les techniciens et les contrôleurs aériens. Et pour voler, ils ont d’excellents F/A-18 qu’il n’y a pas besoin de remplacer », a réagi le conseiller national Jacques Neirynck, un opposant à l’achat du Gripen. Des F/A-18 excellents, peut-être… Mais qui commencent eux aussi à vieillir…

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