La France mise sur la coopération régionale pour protéger ses intérêts stratégiques dans le golfe de Guinée

Parmi les zones sensibles, le golfe de Guinée en fait assurément partie. Et cela pour plusieurs raisons, que le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a rappelées lors de son déplacement, le 10 février, à Pointe-Noire (République du Congo). La région est d’abord traversée par d’importants flux maritimes, lesquels générent des trafics en tout genre et « alimentent l’instabilité en Afrique de l’Ouest ».

Ainsi, il est estimé que 20 à 40 tonnes de cocaïne transitent annuellement par le golfe de Guinée, ce qui représente environ 600 millions de dollars et plus de 3 milliards d’euros à la revente en Europe. Il s’y ajoute les trafics d’êtres humains, d’armes, de faux médicaments, de contrefaçons ou encore de produits miniers.

Mais le golfe de Guinée est aussi une région stratégique étant donné qu’il y est situé le plus grand gisement de pétrole en haute-mer du monde, avec 24 milliards de barils (4,5% des réserves mondiales) et un potentiel de production de 5 millions de barils/jour. Une telle manne ne peut attirer que des convoitises. D’où l’augmentation nette des actes de piraterie maritime constatés dans cette partie du monde alors que ce phénomène tend à s’estomper au large de la Somalie.,

Depuis 2010, 117.000 tonnes de produits pétroliers ont été détounés (ce qui représente 100 millions de dollars) au cours de 154 assauts officiellement déclarés. Mais selon M. Le Drian, ces derniers seraient en réalité beaucoup plus nombreux. « Nos services estiment que le nombre réel d’attaques serait trois fois plus élevé, l’année 2013 conctitue un record préoccupant », a-t-il affirmé.

Aussi, a ajouté le ministre, « de toute évidence, la menace contre les intérêts français relevant de la sécurité maritime va croissant dans le golfe de Guinée ». Et cela d’autant plus que 70.000 ressortissants français vivent dans cette région, ce qui a motivé le lancement, en 1990, de l’opération « Corymbe », une mission permanente assurée par la Marine nationale visant à maintenir une présence navale au large de l’Afrique de l’Ouest.

« La France, par ailleurs, est sensible à la nécessité de protéger ses intérêts économiques, y compris les flux maritimes qui sont essentiels pour son commerce et ses approvisionnements. Elle est évidemment solidaire de la stabilité des pays de cette région du monde, et ne saurait être indifférente à la réalité des trafics, qui, pour une part, sont orientés vers l’Europe », a expliqué M. Le Drian.

Pour autant, et ce n’est pas d’une affaire de moyens (encore que…),  il n’est pas question de déploiement de forces navales conséquentes dans le golfe de Guinée, comme cela a été le cas au large de la corne de l’Afrique, dans la mesure où les pirates ne peuvent pas profiter des facilités que peut offrir un Etat failli comme l’est la Somalie. Les pays de la région ont en effet entrepris de mettre en place une stratégie commune pour lutter contre la piraterie, ce qui passe par la mutualisation des équipements, le partage du renseignement et l’harmonisation des règles de poursuite.

Aussi, Paris entend soutenir ce type d’initiative. « Toute son action s’articule autour du soutien des Etats de la région, en encourageant ces derniers à porter la responsabilité première de la sécurisation de leur domaine maritime et à définir ensemble, de manière globale, une stratégie régionale ».

« La France a proposé, lors du sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique (…) de financer des postes d’experts dans le domaine de la sûreté maritime auprès de la CEDAO, de la CEEAC et de l’Union africaine », « de créer un collège de formation à l’action de l’état en mer dans le golfe de Guinée et par ailleurs d’étendre à l’Afrique central le programme ASECMAR (ndlr, projet d’appui à la réforme du système de sécurité maritime dans le golfe de Guinée) de l’Afrique de l’Ouest », a rappelé Jean-Yves Le Drian.

« Notre action vise en outre à encourager les Etats de la région à se doter de capacités de surveillance maritime et de sécurisation de leurs zones de mouillage », a-t-il poursuivi, en soulignant que des « exemples existent déjà en matière de partenariats publics-privés dans ce domaine ». « Il s’agira alors de définir ce que nous pouvons faire ensemble, avec nos partenaires de la région », a-t-il ajouté.

Enfin, le ministre a évoqué la présence éventuelle de gardes armés privés à bord de navires battant pavillon français. Un projet de loi autorisant cette pratique a été récemment annoncé mais, de toute évidence, il n’est pas encore arrivé au Parlement, qui devrait donc s’en saisir après les prochaines élections municipales.

« Cette autorisation restera conditionnée aux règles que chaque État applique souverainement dans les eaux territoriales. Je m’engage ici à promouvoir notre cadre juridique, protecteur de toutes les parties, auprès de mes interlocuteurs », a indiqué M. Le Drian, en précisant qu’il restera « cependant à voir si le pouvoir règlementaire retiendra le golfe de Guinée comme une zone d’application ».

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