Un ancien « pacha » de la frégate La Fayette condamné pour harcèlement moral

Le 18 novembre dernier, le capitaine de vaisseau Eric Delepoulle, ancien commandant de la frégate La Fayette, comparaissait devant le tribunal correctionnel de Marseille pour harcèlement moral à l’égard du second maître Sébastien Wanke, qui était, en 2010, son maître d’hôtel. En juin de cette année-là, l’officier marinier s’était suicidé par pendaison à bord du navire, qui se trouvait alors au large de la Sicile.

Selon l’instruction, le second maître Wanke travaillait 15 heures par jour et allait jusqu’à effectuer des tâches qui n’étaient pas de son ressort, le tout avec un niveau d’exigence « excessif, voire abusif, au point de revêtir un véritable aspect vexatoire ». Quelques jours avant de commettre l’irréparable, le sous-officier reçut sa notation assortie d’une appréciation lui reprochant un « manque d’investissement » dans son travail.

L’enquête, menée par la gendarmerie maritime à la demande du Parquet mit en évidence une ambiance « exécrable » à bord de la frégate La Fayette au moment des faits, avec 78 punitions de juillet à décembre 2009, puis 36 de janvier à mai 2010. Il y est également affirmé que le « pacha » de l’époque « menait grand train aux frais de l’armée pour des joies plutôt personnelles », avec l’organisation de réceptions pouvant rassembler jusqu’à 200 invités de « sa sphère privée ».

Quant à l’enquête de commandement ouverte par la Marine nationale pour éclaircir les circonstances du suicide du second maître Wanke, elle ne mit pas en cause Eric Delepoulle, qui sera promu capitaine de vaisseau par la suite, avec une affection à l’état-major.

Lors de l’audience du 18 novembre, le procureur avait requis un an d’emprisonnement « éventuellement assorti de sursis » et 6.000 euros d’amende à l’encontre du capitaine de vaisseau Delepoulle, en soulignant que que les peines maximales prévues par le code pénal pour ce genre d’affaire (un an de prison et 15.000 euros d’amende au moments des faits » ne semblaient « pas faire justice à ce qu’il s’est passé ». Le verdict était attendu le 20 janvier.

Finalement, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné l’ancien pacha de la frégate La Fayette à un an de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende. La demande du prévenu de dispense d’inscription au casier judiciaire a été rejetée.

En réparation civile, la mère du second-maître a obtenu 25.000 euros, son frère, 10.000 euros et sa compagne, 20.000 euros. « C’est la victoire de Sébastien, qui a voulu par son geste ultime mettre au jour l’injustice dont il a été victime, sous les ordres de ce pacha qui ne pourra plus exercer son rôle de seul maître à bord. C’est un énorme soulagement, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont eu le courage de témoigner. Sans eux, ce jugement n’aurait pas pu aboutir », a réagi Mme Wancke, en disant souhaiter que le capitaine de vaisseau Delepoulle « n’ait plus l’occasion de commander, de martyriser n’importe quel marin ». Et d’ajouter : « Sébastien ne sera pas mort pour rien, c’est un peu sa vengeance ».

Egalement partie civile dans cette affaire, un autre officier marinier, qui était chef de cuisine à bord de la frégate La Fayette au moment des faits et qui a développé un psoriasis, a obtenu 11.500 euros de dommages et intérêts.

De son côté, la Marine nationale a pris acte de la décision du tribubal correctionnel de Marseille. « Cette condamnation, si elle était définitivement confirmée, caractériserait des faits qui justifieraient l’ouverture immédiate par le chef d’état-major de la Marine d’une procédure disciplinaire », a expliqué le Sirpa Marine par voie de communiqué. « Depuis juin 2010, la Marine nationale a apporté son concours à l’action judiciaire, tout en respectant le principe de la présomption d’innocence », a-t-il fait valoir.

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