Le franc-parler du numéro 3 de la Gendarmerie au sujet de la politique pénale et de la délinquance

Le général Bertrand Soubelet, directeur des opérations et de l’emploi de la Gendarmerie nationale, a fait preuve d’un franc-parler plutôt inhabituel lors d’une audition dans le cadre de la mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire lancée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le 18 décembre dernier.

Cela dit, l’on pouvait s’y attendre un peu. Lors d’une session du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), l’an passé, le général Soubelet avait tenu des propos remarqués. « Nous sommes dans une situation difficile », avait-il dit. « Nous ne pouvons pas dire à nos subordonnées qu’avec nos moyens actuels, nous pouvons être meilleurs (…) Nous le ferons différemment mais certainement pas mieux », avait-il ajouté. Et d’ajouter : « La seule possibilité serait de tirer sur la ‘couenne’ des personnels, au risque de mettre en déséquilibre leur santé ».

Qu’a donc dit le général Soubelet lors de son audition, dont la teneur a été rapportée par l’AFP? Eh bien cet ancien artilleur a tiré à boulets rouges sur la politique pénale actuellement menée. Pour commencer, le numéro 3 de la Gendarmerie a dénoncé la lourdeur des procédures « sur le plan juridique » qui plombe le travail des gendarmes. « Les délinquants le savent et profitent du système », a-t-il lancé.

« Les gendarmes sont inquiets car on prend plus soin des auteurs (d’actes délictueux) que des victimes », a encore lancé le général Soubelet, qui a fait le constat, en gros, que de moins en moins de peines de prison sont prononcées à l’égard des délinquants. Selon lui, en 2013, il y a eu une hausse de 4% d’individus mis en cause alors que, dans le même temps, le nombre de placements sous écrou a chuté de 33%.

« Les auteurs d’atteintes aux biens (cambriolages, vols…), les plus importantes numériquement, bénéficient d’un traitement pénal qui leur permet de continuer à exercer leurs activités », en a conclu le général Soubelet. « Évidemment, l’insécurité et le sentiment d’insécurité ne cesseront d’augmenter tant que la réponse collective à la délinquance ne sera pas adaptée », a-t-il ajouté.

Et de prendre l’exemple des Bouches-du-Rhône, en citant une synthèse des commandants de groupements de gendarmerie départementale : en novembre 2013, 65% des cambrioleurs interpellés « à nouveau dans la nature ».

« Quand vous lâchez 65% de ceux qui se sont rendus coupables d’un certain nombre d’exactions, comment voulez-vous que les chiffres baissent?, a demandé l’officier. « C’est tout à fait impossible. Vous pouvez multiplier par deux les effectifs de gendarmes dans les Bouches-du-Rhône, cela ne changerait rien. La réalité, c’est celle-là, je pense que c’est mon devoir de vous le dire, de manière peut-être un peu crue », a-t-il affirmé.

Autre exemple, dans un département qu’il n’a pas précisé. Là, le général Soubelet a affirmé que le parquet recommande de « mettre dehors » les délinquants mineurs étrangers au prétexte qu’il manque des moyens pour disposer d’interprètes. Et, a-t-il encore poursuivi, à moins de 300 euros de préjudice, « on remet tout le monde dehors ».

Quant aux délinquants mineurs, le général Soubelet considère que les réponses apportées par la justice ne sont pas adaptées. « Quand j’entends dire, face à des enfants de 10 ou même de 8 ans, qu’ils ne sont pas capables d’entendre un rappel à la loi, je suis très surpris. On peut tout entendre à condition que le discours soit adapté à l’âge de celui à qui on s’adresse », a-t-il estimé. « Aujourd’hui, toute une frange de notre jeunesse ne sait pas où est le bien et où est le mal. On peut très tôt donner un message clair », a-t-il fait valoir.

« La délinquance n’augmente pas en valeur absolue », a admis le général Soubelet, mais, a-t-il ajouté, il existe cependant une « réelle insécurité dans notre pays ». « La notion de sanctuaire rural et périurbain n’existe plus (…) la délinquance et l’insécurité frappent au cœur de nos territoires, dans la ruralité profonde », a-t-il expliqué, estimant que cela est dû à une « migration importante de la population française en dehors des 25 agglomérations les plus importantes, vers la zone gendarmerie ».

Ces propos viennent en écho à ceux tenus en novembre dernier par le commandant Fabien Masson, qui est à la tête de la compagnie de gendarmerie de Laon. « Un bon nombre d’entre vous sont surpris de telle ou telle décision judiciaire ‘trop clémente’ ou ‘pas assez éducative’, qui ne ‘rentabilise’ pas le travail que cela représente », avait-il affirmé à ses hommes, lors de la fête de Sainte-Geneviève. « Depuis trois ans à votre tête, je vois passer des dossiers concernant les mêmes personnes. Les plus actifs de nos adversaires viennent d’être neutralisés pour la troisième fois… », avait-il insisté.

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