La NSA cherche à mettre au point un ordinateur quantique

La mémoire d’un ordinateur se compte en bits, lesquels ne peuvent prendre que deux valeurs : 0 ou 1. Grâce aux transistors, l’on peut faire des opérations logiques avec ces derniers. Et la puissance de calcul des machines n’a fait que croître depuis l’apparition du microprocesseur (le premier commercialisé étant l’Intel 4004, en 1971).

Maintenant, imaginez qu’un bit prenne la valeur 0 et 1 à la fois. A ce moment, la puissance de calcul serait démultipliée. Tel est l’enjeu de l’informatique quantique, dont les bases furent jetées en 1981 par Richard Feynman, prix Nobel de Physique, lors d’un discours prononcé à l’Institut de Technologie du Massachusetts  MIT.

L’idée serait ainsi d’utiliser les propriétés fondamentales de la matière pour mettre au point un ordinateur quantique qui serait en mesure de réaliser d’innombrables calculs en même temps en utilisant une nouvelle unité de calcul : le qubit.

Seulement, le développement d’une telle machine se heurte à de grandes difficultés. Ainsi, il est encore compliqué, par exemple, de « fabriquer » des qubits, ou du moins de maintenir les propriétés quantiques des particules qui les composent.

Cependant, des progrès ont été réalisés ces dernières années. En 2001, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a ainsi réussi à mettre au point une puce en silicium (quantronium) utilisant les trois nanojonctions de Josephson, dont deux servent de qubit, la troisième étant utilisée comme instrument de mesure lorqu’un courant la traverse. Plus de 8 ans plus tard, une équipe de l’université de Yale a réalisé un circuit de calcul quantique solide pouvant être utilisé dans un calculateur.

Dans l’intervalle, l’entreprise D-Wave a annoncé, en février 2007, avoir réalisé un ordinateur quantique de 16 qubits, puis avoir vendu, en mai 2011, un calculateur de 128 qubits à Lockheed-Martin pour 10 millions de dollars. Mais les annonces de cette société, souvent non suivies d’effet, laissent sceptiques les spécialistes. Reste que ce constructeur collabore désormais avec la NASA, Google et l’Universities Space Research Association dans ce domaine.

Quoi qu’il en soit, les possibilités offertes par un ordinateur quantique sont inimaginables. En théorie, une telle machine permettrait de retrouver une information ou de casser les codes les plus compliqués en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. D’où l’intérêt que porte la National Security Agency à cette technologie si l’on en croit le Washington Post, qui a évoqué des documents diffusés par Edward Snowden, l’ex-consultant de cette agence américaine de renseignement, actuellement réfugié en Russie.

Dans le cadre du programme secret « Penetrating Hard Targets », la NSA consacre un budget de 79,7 millions de dollars pour développer une telle machine. Les documents sortis par Snowden indiquent que les spécialistes de l’agence travaillent sur ce projet dans des « cages de Faraday », lesquelles offrent une protection aux pollutions électromagnétiques venues de l’extérieur.

Est-ce que la NSA est sur le point de mettre au point la machine miracle? « Il semble peu probable qu’elle soit si en avance par rapport aux entreprises civiles sans que personne ne le sache », a estimé Scott Aaronson, du MIT, dans les colonnes du Washington Post.

Comme on le voit, dans ce domaine, il est compliqué de faire la part des choses entre les annonces d’entreprises qui évoquent des avancées majeures et les doutes exprimés par les spécialistes.

Co-lauréat du Prix Nobel de physique en 2012 avec le Français Serge Haroche pour des travaux en physique quantique, le physicien américian David Wineland est un pionner de l’informatique quantique. Autrement dit, une sommité en la matière. « Nous sommes encore très loin d’un ordinateur quantique utile, mais je pense que nous sommes nombreux à croire en son apparition à long terme », avait-il estimé à l’époque.

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