Un ancien commandant de la frégate La Fayette jugé pour harcèlement moral

Le tribunal correctionnel de Marseille s’est penché, le 18 novembre, sur une sombre affaire concernant la Marine nationale, en examinant le cas du capitaine de vaisseau Eric Delepoulle, ancien commandant de la frégate La Fayette, poursuivi pour harcèlement moral à l’égard d’un officier marinier.

Rappel des faits. Le 15 juin 2010, à l’issue d’une mission dans l’océan Indien de 8 mois, le second maître Sébastien Wanke, 32 ans, se pend à bord de la frégate La Fayette, alors au large de la Sicile. Engagé au sein de la Marine nationale depuis 10 ans, le sous-officier, qui servait en qualité de maître d’hôtel du commandant, a craqué…

Et pour cause. Selon l’enquête, ce second maître travaillait jusqu’à 15 heures par jour, allant même jusqu’à effectuer des tâches qui n’étaient pas de son ressort, avec, d’après le juge d’instruction en charge du dossier, un niveau d’exigence « excessif, voire abusif, au point de revêtir un véritable aspect vexatoire ».

Quelques jours plus tôt, le second maître Wanke avait reçu sa notation. Si elle n’est pas désastreuse, ce n’est pas le cas de l’appréciation qui l’accompagne : il lui était reproché un « manque d’investissement », malgré son rythme de travail… Aussi, pour les parents, il ne fait pas de doute que le commandant Delepoulle est responsable du suicide de leur fils.

Et si l’enquête de commandement lancée par la Marine nationale pour déterminer les circonstances du drame ne met pas en cause le commandant de la frégate, il en va autrement des investigations menées par la gendarmerie maritime à la demande du parquet.

Et les témoignages de 75 membres de l’équipage (sur 153), qu’ils soient officiers, officiers mariniers ou matelots, décrivent une ambiance « exécrable » à bord du navire et dénoncent des marins « sous pression ». D’ailleurs, les punitions tombent comme à Gravelotte : 78 de juillet à décembre 2009, 36 de janvier à mai 2010. Il est même fait état d’un cahier occulte où sont consignés des punitions prononcées avec sursis.

Qui plus est, l’enquête a aussi révélé, selon le Figaro, que le pacha de la frégate « menait grand train aux frais de l’armée pour des joies plutôt personnelles », allant jusqu’à organiser des réceptions et des cocktails réunissant jusqu’à 200 invités de « sa sphère privée ». Et « tout cela à des fins privées, sans lien avec une quelconque mission de rayonnement de la Marine nationale française, comme il tente de le défendre », a commenté Me Rick, l’avocat de la famille Wanke. Le parquet l’a même poursuivi pour « détournement ou dissipation d’arme, de denier ou d’objet remis lors du service » au début de la procédure.

Cela étant, le capitaine de vaisseau Delepoulle, qui s’est présenté en civil à l’audience (ce qui est contraire aux « principes », comme l’a relevé la présidente, Lucie Chapuis-Bérard), s’est défendu des accusations portées contre lui. « Retracer l’ambiance sur 18 mois en disant qu’elle a été un long fleuve tranquille ne reflète pas la stricte vérité », a-t-il lancé à la barre.

Concernant la charge de travail de son maître d’hôtel, il a fait valoir que l’officier marinier s’était porté volontaire pour effectuer des tâches qui ne relevaient pas de son domaine. Quant aux notations d’une partie de l’équipage, il a expliqué qu’elles avaient été faites en fonction de « directives spécifiques » de la hiérarchie. Et celle de Sébastien Wanke avait été proposée par les commandants adjoints… « Si vous n’étiez pas d’accord, il fallait corriger », lui a rétorqué la présidente.

« Je suis véritablement très affecté par tout ce qui s’est passé », a affirmé le capitaine de vaisseau Delepoulle. « Que Wanke m’ait détesté, je l’ai vu, je le vois bien, maintenant, je n’ai pas eu cette perception dans mon commandement », a-t-il ajouté. Son avocat, Me Pierre-André Watchi-Fournier, a plaidé la relaxe en rejetant la responsabilité de la mauvaise ambiance à bord sur le commandant en second et son comportement « pervers ».

Quoi qu’il en soit, le vice-procureur a requis à l’encontre de l’officier, actuellement affecté à l’état-major en tant que chef de projet des nouvelles technologies en matière d’armement,  un an d’emprisonnement, « éventuellement assorti de sursis » et 6.000 euros d’amende. Verdict le 20 janvier prochain.

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