La doctrine Rumsfeld de retour au Pentagone?

En 2001, alors qu’il venait de prendre ses fonctions de secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld s’était attaché à mettre en place une nouvelle doctrine, basée sur le concept « Révolution dans les affaires militaires » (RMA), elle-même fondée sur l’idée que la technologie permettait de disposer d’un avantage décisif sur l’adversaire. De là est né, par exemple, le NCW (Network Centric Warfare), c’est à dire la guerre en réseau.

Pour Donald Rumsfeld, il s’agissait donc de miser sur le tout-technologique avec des unités moins nombreuses en effectifs mais plus souples et agiles tout en maintenant des capacités aériennes importantes.

Si cette doctrine a bien fonctionné, du moins dans un premier temps, pour chasser les taliban de Kaboul, en revanche, elle s’est heurtée à la réalité du combat contre-insurrectionnel. Pour tenir le terrain, il faut des hommes… et le tout-technologique montre ses limites. Conséquence : Donald Rumsfeld sera poussé vers la sortie en 2006… Et sa doctrine remisée au placard.

Sauf que, avec les restrictions budgétaires qui pèsent sur le Pentagone, il n’est pas impossible que la doctrine Rumsfeld revienne au goût du jour…

En effet, comme l’indique la stratégie américaine présentée en janvier 2012, il n’est plus question pour Washington de se lancer dans des guerres de contre-insurrection longues et coûteuses. D’où la réduction à venir du format des forces terrestres alors que dans le même temps, il est question de préserver autant que se possible ceux de l’aviation et de la marine – deux armées à fort potentiel technologique -, jugées plus aptes à répondre aux menaces posées par l’Iran et la Chine.

Ce possible retour à la doctrine Rumsfeld a été esquissé par Chuck Hagel, l’actuel secrétaire à la Défense, dans un discours prononcé le 5 novembre devant le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington, alors que le Pentagone prépare actuellement sa revue quadriennale de défense (QSR), dans laquelle seront fixées ses priorités.

Pour Chuck Hagel, la force miltaire doit rester un « outil essentiel de la puissance américaine et de sa politique étrangère » mais elle doit être utilisée « avec discernement, précisément et judicieusement » et une place plus importante devrait être accordée « aux instruments civils du pouvoir ». Il n’est toutefois pas question d’isolationnisme, ce qui serait « piège tout aussi mortel » selon le chef du Pentagone.

Cela étant, les coupes budgétaires – celles déjà programmées auxquelles s’ajoutent celles imposées par la séquestration du budget fédéral – rendent inévitable une nouvelle organisation de la défense américaine afin de maintenir ses moyens d’action.

« Ces coupes sont trop rapides, trop importantes et irresponsables », a commenté Chuck Hagel en évoquant les coupes automatiques, qui se sont élevées à 37 milliards lors de la dernière année fiscale et qui pourraient être de 52 milliards pour la nouvelle.

« Nous prévoyons 1.000 milliards de dollars de coupes dans les dépenses militaires sur une période de 10 ans, à moins qu’il y ait un nouvel accord sur le budget », a-t-il expliqué. Or, le Congrès n’en prend pas le chemin. D’où la nécessité d’établir des priorités.

La première est de réduire la bureaucratie du Pentagone. Vaste chantier déjà annoncé à plusieurs reprises… Le nombre d’employés civils devrait être réduit de 5% tandis que les effectifs des états-majors vont fondre de 20%. Les forces terrestres – l’US Army – va perdre 42.000 postes (sur 532.000 actuellement). Voire même plus, certains responsables ayant estimé qu’il faudrait probablement en supprimer 70.000 de plus d’ici 2017.

Un autre priorité est de maintenir l’état de préparation des forces, déjà affecté par les coupes automatiques. « Nous allons peut-être devoir accepter le fait que toutes les unités ne seront pas au niveau optimal de préparation et qu’un système de mobilisation par échelons est peut-être inévitable », a affirmé Chuck Hagel.

Autre axe prioritaire : la préservation des investissements « dans les moyens militaires émergents », afin d’assurer la prééminence technonogique de l’armée américaine. Les domaines concernés sont l’espace, la cyberdéfense, les moyens de renseignement (ISR) et les forces spéciales.

Au final, les forces américaines compteront moins de personnels tout en disposant de matériels à la pointe de la technologie, lesquels permettront de compenser la déflation des effectifs. Ce qui n’est donc pas sans rappeler la doctrine Rumsfeld…

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