Le dérapage d’un député à l’égard d’anciens généraux

C’est une petite phrase prononcée lors de la discussion concernant les crédits de la mission Défense, à l’Assemblée nationale, qui en dit long sur la nature du débat stratégique français, et plus précisément sur la dissuasion nucléaire.

En religion, il y a des dogmes, qui peuvent valoir, dans le meilleur des cas, l’excommunication. Eh bien pour le débat stratégique, c’est un peu la même chose. Ainsi, lors de la discussion de deux amendements déposés par les écologistes au sujet de la dissuasion nucléaire, le député Denis Beaupin a déclaré que des généraux, « tels le général Norlain ou le général Desportes » s’interrogeaient sur « sa pertinence ».

C’est surtout vrai pour le premier, ancien pilote de chasse et ex-commandant de la Fatac. Quant à la position du second sur ce sujet, elle est plus nuancée. En gros, le général Desportes estime en effet que « sanctuariser le nucléaire, c’est condamner la dissuasion », étant donné que, selon lui, une « dissuasion qui n’est pas accompagnée par une véritable capacité conventionnelle de masse perd sa crédibilité et donc de son efficacité ». Aussi, préconise-t-il de réduire le format des forces stratégiques, tout en se gardant d’affirmer qu’il faudrait supprimer leur composante aérienne ou diminuer le nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Quoi qu’il en soit, cette évocation de ces deux anciens généraux par l’élu écologiste a valu une sortie peu cavalière du député UMP Christophe Guilloteau. « Vous faites référence à certains militaires, a-t-il répondu à Denis Beaupin, mais s’ils avaient été de bons militaires, cela se saurait ». Et de poursuivre: « Je rappelle que ceux dont vous faites mention ont vu leur carrière stoppée et c’est une très bonne chose! ».

« Ces mentors de la défense se croient autorisés aujourd’hui à donner des leçons de bons sentiments, mais on aurait bien voulu qu’ils le fassent à l’époque… », a-t-il ajouté. A voir comment M. Guilloteau les considère, il aurait été intéressant, en effet, sa réaction s’ils avaient remis en cause les dogmes (quels qu’ils soient) quand ils étaient en activité.

Le député du Rhône aurait pu s’arrêter à la réponse faite par Mme Patricia Adam, la président de la commission « Défense » à l’Assemblée, qui, sans insulter de généraux, a expliqué que « les moyens de financement » dégagés par la suppression de la dissuasion nucléaire « ne reviendraient pas dans le giron de la défense mais seraient tout bonnement supprimés ».

L’on pourrait faire remarquer à M. Guilloteau qu’un ancien ministre de la Défense (*) (Hervé Morin, pour le citer), qu’il a donc soutenu quand il était dans la majorité, préconise actuellement de supprimer la composante aéroportée de la dissuasion française. Une idée qui, comme cela a déjà été souligné sur ce site, n’est pas aussi pertinente que l’on pourrait le penser. Mais on peut l’écrire sans pour autant vouer aux gémonies ceux qui la défendent…

(*) Sans oublier Alain Juppé, qui avait cosigné avec Michel Rocard, Alain Richard (un autre ancien ministre de la Défense…) et le général Norlain, une tribune dans le Monde appelant au désarmement nucléaire…

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