Otan, Israël… A quoi joue la Turquie?

La décision turque de retenir le système de défense aérienne chinois FD-2000, basé sur le missile HQ-9, aux dépens des offres présentées par Raytheon et Eurosam, n’est pas du goût des responsables de l’Otan, à commencer par Anders Fogh Rasmussen, son secrétaire générale.

« Du point de vue de l’Otan, il est de la plus grande importance que les systèmes qu’un des membres souhaite acquérir puissent fonctionner de concert avec des systèmes similaires présents dans d’autres pays de l’Alliance », a-t-il fait valoir, le 22 octobre, à Bruxelles, lors d’une conférence de presse. « Je suis certain que la Turquie en est consciente et qu’elle en tiendra compte avant de prendre sa décision finale », a-t-il ajouté.

Et pour cause : le système choisi par Ankara devra se brancher avec ceux des autres membres de l’Otan. Ce qui suppose le partage d’informations sensibles, notamment celles concernant l’indentification « ami/ennemi’ (IFF, Identify Friend or Foe). La crainte est que ces données puissent être récupérées par Pékin.

Pour le moment, les responsables turcs se bornent à répondre qu’aucune décision finale concernant l’acquisition du système de défense aérienne chinois n’a encore été prise. Mais dans le même, ils font valoir, comme l’a fait encore le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, que « la Chine offre les meilleures conditions », que ce soit en terme de coût (3 milliards de dollars, soit un de moins que les autres offres) ou de transferts de technologie étant donné que la prodution des équipements concernés sera commune avec la Turquie.

Qui plus est, M. Erdogan a fait valoir que quelques membres de l’Otan disposait encore de matériels militaires d’origine russe (en fait, les anciens pays du Pacte de Varsovie, ndlr) et que « personne n’a le droit d’intervenir dans les décisions indépendantes » de la Turquie.

Reste que, si le choix du système chinois est confirmé par Ankara (on ignore quand encore quand ce sera le cas), cela ne manquera pas de poser des problèmes de taille… Pour rappel, l’Otan a déployé, à la demande de la Turquie, des batteries Patriot PAC-3, à la demande des autorités turques, pour protéger la frontière de ce pays avec la Syrie.

A ce sujet, la Turquie a revu ses alliances depuis maintenant quelques années. Après avoir tenté un rapprochement avec Damas, Ankara soutien ouvertement l’opposition au régime de Bachar el-Assad, allié de l’Iran. Dans le même temps, les relations entre Israël se sont dégradées, notamment avec l’intervention dans la bande de Gaza en décembre 2008 et l’affaire du Maulvi Marmara, le navire d’activistes arraisonné par la marine israélienne en mai 2010.

Et cette brouille n’a pas été sans conséquences, semble-t-il, au niveau des services de renseignement. Ainsi, selon une enquête du journaliste David Ignatius, publiée la semaine passée par le Washington Post, Hakan Fidan, le patron du Millî Istihbarat Teskilâti (MIT, services de renseignement turcs), serait à l’origine de la dénonciation, en 2012,  à son homologue de Téhéran, de 10 ressortissants iraniens soupçonnés d’être des agents ou des « honorables correspondants » qui avaient établi un contact avec le Mossad en Turquie.

Bien évidemment, il s’agit-là d’un très mauvais coup joué au service israélien, à qui il est désormais reproché de n’avoir pas su anticiper le revirement turc. Cependant, Ankara a démenti les informations du Washington Post. Il s’agit d’une « campagne visant à discréditer la Turquie », a fait valoir Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères.

Côté israélien, l’on a simplement fait observer que David Ignatius « est réputé pour son sérieux et son excellente connaissance du Proche-Orient »… Une façon subtile de confirmer l’information… Après ce tour joué au Mossad, la question de la confiance que l’on doit ou non accorder au MIT va se poser. En sa qualité de membre de l’Otan, la Turquie « bénéficie de nombreuses synthèses de renseignements de l’Alliance », comme le souligne Frédéric Pons, dans la dernière livraison de Valeurs Actuelles. Aussi, il est probable que l’on y réfléchisse à deux fois avant de partager certaines informations avec Ankara…

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