Laurent Fabius n’en a-t-il pas trop fait sur la mort du général Giap?

Vainqueur de la bataille de Dien Bien Phu et artisan de la défaite américaine au Vietnam, le général Giap s’est éteint à l’âge de 102 ans le 4 octobre dernier. Passant pour un grand stratège, l’on ne peut pas dire qu’il fut économe du sacrifice de ses hommes…

Et que dire du sort des prisonniers faits par les forces qu’il commandait? Detenus dans des camps avec des conditions de vie effroyables, soumis à un lavage de cerveau en règle, aux maladies, aux maltraitances, aux tortures psychiques, à la faim, 71% des 37.000 militaires du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient retenus en captivité dans ces mouroirs y laissèrent la vie.

Et sur les 10.300 combattant de Dien Bien Phu capturés au soir du 7 mai 1954, seulement 3.200, réduits à l’état de squelettes, seront rendus à leur famille. Il ne s’agit, ni plus ni moins, de graves violations des Conventions de Genève qui donnent des droits élémentaires aux prisonniers de guerre.

D’où cette question : est-ce que le communiqué publié par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, suite à l’annonce du décès du général Giap, était nécessaire, voire opportun?

« J’ai appris avec émotion le décès du Général Giap. Ce fut un grand patriote vietnamien, aimé et respecté par tout son peuple pour le rôle éminent et fondateur qu’il a joué pour l’indépendance de son pays », a écrit le ministre. Et d’ajouter : « Il était profondément attaché à la culture française et parlait d’ailleurs parfaitement notre langue. Le Général Giap fut un grand patriote et un grand soldat. Alors que la France et le Vietnam sont devenus désormais des partenaires stratégiques, je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille et au peuple vietnamien ».

L’on peut toujours reconnaître les qualités d’un adversaire mais de là à faire part de son « émotion » au moment de son décès, il y a une marge. Qu’en pensent les survivants des camps de prisonniers vietminh?

Aux Etats-Unis, la diplomatie américaine n’a pas fait de commentaire à l’annonce de la mort du général Giap. Sur le site du département d’Etat, l’on ne trouve aucun communiqué officiel de John Kerry. Pas plus qu’il a été fait mention de l’ancien chef militaire nord-vietnamien dans les briefings quotidiens qui ont suivi…

Prisonnier lors de la guerre du Vietnam, après que son avion a été abattu au-dessus d’Hanoï, John McCain, ancien candidat à la Maison Blanche et actuellement sénateur de l’Arizona, a souligné les qualités de stratège du général Giap. Mais il a également mis quelques bémols. « Il est difficile de défendre la moralité de la stratégie. Mais on ne peut nier son succès », a-t-il écrit dans les colonnes du Wall Street Journal

« Ses victoires sont le fruit d’une patiente stratégie dont lui et Ho Chi Minh étaient persuadés qu’elle réussirait: une capacité inébranlable à souffrir d’immenses pertes et la destruction quasi-totale de leur pays de façon à vaincre tout adversaire, aussi puissant soit-il », a-t-il ajouté, en soulignant que « les États-Unis n’ont jamais perdu de bataille contre le Nord-Vietnam, mais ils ont perdu la guerre ».

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