Le Royaume-Uni va faire un effort pour développer des capacités offensives dans le cyberespace
Les crédits alloués pour les opérations dans le cyberespace sont appelés à prendre une part de plus en plus importantes dans les dépenses militaires. Les Etats-Unis devraient ainsi investir 94 milliards de dollars d’ici 2023 pour assurer leur sécurité informatique, si l’on en croit une estimation de la société ADSReports.
Cette tendance devrait être la même dans d’autres pays. La France va ainsi faire un effort relativement significatif dans ce domaine, de même que le Royaume-Uni, où, la semaine passée, il a été annoncé la création d’une unité d’experts en informatique ayant le statut de réserviste (une « cyber strike force »).
Le ministre britannique de la Défense, Philip Hammond, a précisé que la mission principale de cette nouvelle unité sera de protéger les réseaux informatiques du pays ainsi que les « données vitales ». « L’année dernière, notre cyberdéfense a bloqué environ 400.000 attaques contre le seul intranet gouvernemental », a-t-il avancé lors d’une conférence organisé par le Parti conservateur. « La menace est réelle », a-t-il insisté.
Dans un entretien accordé au Mail on Sunday depuis l’abri anti-atomique Pindare (du nom du poète grec Pindare, dont la maison fut épargnée par Alexandre le Grand à Thèbes), Philip Hammond a évoqué cette nouvelle unité « cyber » en précisant que son le recrutement sera même ouvert à des candidats dont la condition physique n’aurait pas permis d’intégrer une formation militaire classique, le talent, les compétences et l’expertise en matière informatique prenant le pas sur toute autre considération.
Plus généralement, Philip Hammond a indiqué que le Royaume-Uni pourrait être amené à lancer des attaques informatiques si nécessaire. « Quand les gens pensent aux capacités militaires terrestres, navales et aérinnes. Nous connaissons depuis longtemps un 4e domaine, celui de l’espace. Maintenant, il y en a un cinquième : le cyberespace », a-t-il expliqué. « C’est la nouvelle frontière de la défense », a-t-il poursuivi. « Pendant des années, nous avons construit une capacité défensive pour se protéger contre des attaques cybernétiques. Cela ne suffit plus », a-t-il avancé.
« On dissuade avec une capacité offensive. Nous allons bâtir, en Grande-Bretagne, une capacité de frappe cybernétique afin que nous puissions riposter dans le cyberespace contre les ennemis qui nous attaquent », a encore ajouté Philip Hammond. « Nos commandants pourront utiliser des armes cybernétiques aux côtés des armes classiques dans les conflits futurs », a-t-il insisté.
Visiblement, pour le ministre britannique, les capacités offensives dans le cyberespace seront l’alpha et l’oméga des opérations militaires de demain. « Il y a des années, vous auriez attaqué un objectif uniquement avec des bombes. L’opinion publique occidentale exige de plus en plus d’attaques de précision car elles ne veut pas de victimes civiles et de dommages collatéraux. Les armes cyber offrent la possibilité alléchante de pouvoir paralyser l’ennemi sans lui infliger des dommages durables. Pas de villes, ni d’infrastructures à reconstruire. Un de mes collègues amérixain m’a dit : ‘Pourquoi voudriez-vous bombarder un aérodrome si vous pouvez simplement le paralyser avec une cyberattaque?' », a-t-il plaidé.
Seulement, le contexte économique étant ce qu’il est, l’investissement dans des capacités cybernétiques ne peut se faire qu’au détriment des unités traditionnelles. « Nou aimons et chérissons nos traditions militaires mais la défense de la nation signifie que nous devons dépenser de l’argent pour les capacités de demain, pas pour celles d’hier », a estimé Philip Hammond. « Là où nous pourrons attaquer une cible avec des armes cybernétiques, nous aurons sans doute besoin de moins d’armes conventionnelles », a-t-il expliqué.
Bien évidemment, une nouvelle réduction de format des forces britanniques risque d’être difficile à faire passer, d’autant plus que disposer d’armes cybernétiques, même si elles sont efficaces – ce qui n’est du tout certain car elles pourront toujours être contrées – ne fait pas tout. Au Mali ou en Somalie, par exemple, elles ne serviraient pas à grand chose… Mais cela ne gêne pas Philip Hammond, qui a le sens de la formule.
« Je suis sûr qu’il y a 100 ans, il y avait un débat sur la nécessité d’investir dans de nouvelles armes ou d’acheter plus de foin pour les chevaux. Certains ont dit : ‘achetez plus de foin, pas des chars' ». Ceux qui pensent qu’ils défendent notre capacité militaire en défendant l’armée de l’année dernière ou de la dernière décennie ne la défendent pas du tout », a-t-il fait valoir.