Pour Paris, une intervention militaire est la condition d’une solution politique à la crise syrienne

Si le président Obama n’avait pas eu l’idée de consulter le Congrès américain, sans doute qu’une intervention militaire contre le régime de Bachar el-Assad aurait pu être lancée dans la nuit du 31 août au 1er septembre. Ce qui explique sans doute la raison laquelle le Parlement a été convoqué en session extraordinaire le 4 septembre pour débattre d’une participation française à cette opération, conformément à ce qui est prévu par la Constitution dans le cas d’une action armée impliquant la France.

Pour autant, le débat a bien eu lieu et il aura permis aux différents groupes parlementaires d’exprimer leurs positions sur la situation en Syrie et la participation éventuelle des forces françaises à une action visant le régime de Bachar el-Assad. Un exercice qu’il faudra recommencer si jamais cette opération militaire est effectivement décidée.

Quoi qu’il en soit, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a expliqué aux députés la position de la France dans ce dossier (le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en a fait de même devant les sénateurs) et réaffirmé la détermination de l’exécutif à « sanctionner et dissuader » le régime de Bachar el-Assad, accusé d’être le responsable de « l’attaque du 21 août près de Damas », qui, selon le chef du gouvernement, « constitue en ce début de siècle, le plus massif et le plus terrifiant usage de l’arme chimique. » Et « ne pas réagir, a-t-il plaidé, serait mettre en danger la paix et la sécurité de la région tout entière. »

« Oui, la solution à la crise syrienne sera politique et non militaire. Mais regardons la réalité en face : si nous ne mettons pas un coup d’arrêt à de tels agissements du régime, il n’y aura pas de solution politique », a poursuivi Jean-Marc Ayrault, en insistant sur le fait qu’il « faut montrer à Assad qu’il n’y a pas d’autres solutions que la négociation ». Et d’ajouter : « Oui, nous souhaitons son départ, dans le cadre d’une solution politique en faveur de laquelle la France continuera à prendre l’initiative. »

Sans surprise, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Leroux, est allé dans le sens du Premier ministre. « Tolérer les armes chimiques serait encourager leur prolifération et prendre le risque d’une nouvelle course vers une catégorie d’armements ravageuse et peu coûteuse. L’équilibre géopolitique construit sur la dissuasion nucléaire s’en trouverait balayé, plongeant la planète dans une ère d’incertitudes extrêmes, dans une jungle de tous les dangers », a-t-il fait valoir.

Selon lui, il faut « frapper le régime syrien afin d’amputer ses capacités meurtrières, de le dissuader d’en faire usage et de protéger sa population et ses voisins. » En outre, pour Bruno Leroux, un renoncement « renforcerait les extrémismes » et c’est ce que cherche Bachar el-Assad. « L’objectif de ce tyran est de faire le vide entre l’armée et les groupes extrémistes. L’objectif de son peuple est de pouvoir construire une société apaisée, multiconfessionnelle et démocratique. Soutenons-le », a-t-il insisté.

Au Sénat, le président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, a pratiquement  pris le même angle que le chef du groupe socialiste à l’Assemblée, mais en insistant sur le message qu’il faudrait envoyer aux alliés du régime syrien.

« Par cette intervention, il ne s’agit pas de soutenir une rébellion dont nous connaissons l’hétérogénéité et l’extrémisme de certaines de ses composantes, mais d’adresser un double message. L’un directement à Bachar el-Assad, lui intimant que ses manquements aux conventions internationales en matière d’utilisation d’armes chimiques ne seront plus tolérés. L’autre adressé à ses alliés, la Russie, l’Iran, mais aussi le Hezbollah, qui aident militairement et de manière directe le régime ; en particulier en direction du nouveau président iranien, Hassan Rohani, il s’agit de montrer notre détermination s’agissant de l’usage d’armes chimiques, mais aussi faire apparaître notre fermeté quant à l’évolution de leur programme nucléaire », a-t-il argumenté.

Membre de la majorité, François de Rugy, coprésident du groupe écologiste au Palais Bourbon, a quant à lui réservé ses piques au Conseil de sécurité des Nations unies, qu’il a qualifié d' »organisme à bout de souffle » et critiqué la Russie, dont l’attitude « soulève une fois encore la question du droit de veto des cinq membres permanents. »

« Les écologistes ont été violemment critiqués lorsqu’ils proposaient en 2012 de réformer ce système, hérité de la Seconde Guerre mondiale et aujourd’hui à bout de souffle. La question du droit de veto des cinq membres permanents nous revient en effet aujourd’hui en boomerang, nous plaçant dans le cruel dilemme de céder à l’impuissance d’un côté ou de décrédibiliser cette institution internationale », a-t-il expliqué.

Quant au président du groupe des députés du Front de gauche, André Chassaigne, il a au contraire défendu le rôle de l’ONU et s’est dit « vigoureusement opposé » à toute intervention militaire en Syrie. « La France ne doit pas s’inscrire dans une position illégale », a-t-il avancé, en expliquant que « s’aligner derrière les États-Unis diminuerait (son) poids et son importance diplomatique. » En outre, il a déploré que le président Hollande « s’entête dans une logique militaire, ignorant la situation d’urgence humanitaire et les options alternatives », quitte à « engager notre pays dans une entreprise aventureuse et illusoire conduite par les États-Unis. »

Après avoir condamné « l’acte barbare, sauvage et inhumain » que constitue l’emploi d’armes chimiques, le chef de file des députés UMP à l’Assemblée, Christian Jacob, qui a été le premier responsable parlementaire à s’exprimer, a également mis en garde contre le risque d’isolement de la France et critiqué le suivisme de Paris par rapport à Washington. Et d’opposer un « triple refus » à une « riposte » en Syrie en dehors du cadre des Nations unies tout en réclamant un vote du Parlement avant toute participation française à une intervention.

« La France peut-elle sérieusement, sans aucun allié européen, se lancer tête baissée dans une aventure de la sorte ? Nous ne le pensons pas », a-t-il lancé, allant jusqu »à évoquer une France « isolée comme elle ne l’a jamais été, spectatrice de ce qui se passera le 9 septembre à Washington », alors qu’elle devrait être « alliée » mais non « alignée » sur les États-Unis. »

« C’est le coeur lourd au regard de la cause qui pourrait justifier une riposte que nous exprimons trois refus : refus d’une action strictement militaire sans buts réels de guerre au-delà d’un coup de semonce ou d’une punition ; refus surtout d’une intervention isolée sans légitimité internationale ; refus enfin d’un renoncement, voire à certains égards d’un reniement de notre politique étrangère », a-t-il plaidé.

Pour le président du groupe UDI, Jean-Louis Borloo, une participation de la France à une action militaire en Syrie est pour le moment « impossible », du moins « sans une coalition très large, sans la protection totale de nos compatriotes et de nos intérêts, sans un soutien d’un certain nombre d’Européens, sans l’accord de la Ligue arabe, sans un soutien de l’ONU soit par le Conseil de sécurité, soit par l’Assemblée générale en vertu de la résolution 377, et avant tout rapport validé par l’ONU ».

« Les Français sont présents au Liban, dont 1 000 de nos soldats. Et en cas de déflagration, nous aurions, de fait, des troupes au sol engagées dans cette région. Et puis nous avons des civils au Liban et en Syrie, notamment à Damas », a-t-il par ailleurs souligné. Et de conclure : « Il n’y a pas ici des ‘va-t’en-guerre’ irresponsables ou des désinvoltes détournant le regard devant ce drame et devant ces crimes. Il n’y a que des parlementaires soucieux de défendre les intérêts de la France et des Français, et de contribuer à une issue décisive pour mettre un terme à ce drame effroyable. »

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