Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc est mort
C’est un grand soldat qui vient de nous quitter : le commandant Hélie Denoix de Saint Marc s’est éteint, ce 26 août, à La Garde-Adhémar dans la Drôme, à l’âge de 91 ans.
Résistant, déporté, officier parachutiste de la Légion étrangère, il fut l’un des acteurs du putsch des généraux, à Alger, le 21 avril 1961, alors qu’il était à la tête du 1er Régiment Etranger de Parachutistes (REP).
Né le 11 février 1922 à Bordeaux, Hélie de Saint Marc entre en résistance à l’âge de 19 ans en intégrant le réseau Jade-Amicol, dont l’activité consiste à obtenir des renseignements pour le compte de l’Intelligence Service britannique dans le sud ouest de la France.
Sa vie bascule une première fois le 14 juillet 1943 : dénoncé, Hélie de Saint Marc est arrêté puis envoyé au camp de Langenstein-Zwiebrege, dépendant de celui de Buchenwald et où le taux de mortalité dépasse les 90%. Grâce à l’appui d’un mineur letton, le jeune homme sera l’un des 30 survivants d’un convoi qui comptait plus de 1.000 déportés.
Grâce à une mesure exceptionnelle prise à la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui permettait aux anciens résistants d’être admis à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, Hélie de Saint Marc devient officier et choisit de servir au sein de la Légion étrangère. Ce qui l’emmenera à se battre en Indochine. Là, il sera marqué par la terrible expérience d’abandonner à leur sort des villageois ayant soutenu les Français. C’est ce qui expliquera sa décision de participer au putsch des généraux d’Alger.
« Nous nous souvenions de quinze années de sacrifices inutiles, de quinze années d’abus de confiance et de reniement. Nous nous souvenions de l’évacuation de la Haute-Région, des villageois accrochés à nos camions, qui, à bout de forces, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Nous nous souvenions de Diên Biên Phû, de l’entrée du Vietminh à Hanoï. Nous nous souvenions de la stupeur et du mépris de nos camarades de combat vietnamiens en apprenant notre départ du Tonkin. Nous nous souvenions des villages abandonnés par nous et dont les habitants avaient été massacrés. Nous nous souvenions des milliers de Tonkinois se jetant à la mer pour rejoindre les bateaux français. Nous pensions à toutes ces promesses solennelles faites sur cette terre d’Afrique. Nous pensions à tous ces hommes, à toutes ces femmes, à tous ces jeunes qui avaient choisi la France à cause de nous et qui, à cause de nous, risquaient chaque jour, à chaque instant, une mort affreuse. Nous pensions à ces inscriptions qui recouvrent les murs de tous ces villages et mechtas d’Algérie : ‘L’Armée nous protégera, l’armée restera’. Nous pensions à notre honneur perdu », plaide-t-il devant le haut tribunal militaire, le 5 juin 1961.
Pour avoir « préféré le crime de l’illégalité au crime de l’inhumanité », comme il l’a écrit dans ses mémoires, il est condamné à une peine de 10 ans de réclusion criminelle. Après 5 ans de détention à la prison de Tulle, il est finalement gracié le jour de Noël 1966. Bien que sollicité pour faire le mercenaire, le commandant de Saint-Marc entame une nouvelle carrière dans l’industrie, grâce au soutien d’un ancien déporté. Il sera réhabilité par Valéry Giscard d’Estaing en 1978 puis se verra élevé à la dignité de Grand’Croix de la Légion d’Honneur par le président Sarkozy, 23 ans plus tard.
Le commandant de Saint Marc a évoqué ses expériences et ses souvenirs dans une série d’ouvrages, dont l’un – Les champs de braises. Mémoires – obtiendra le prix Femina de l’essai en 1996 et dans lequel il avait écrit ceci, en guise de conclusion :
« Un jour, je ne me réveillerai plus. J’ai pris l’habitude de voir la mort, cette étrange camarade, s’approcher, hésiter longuement puis, à l’instant de saisir sa proie, s’éloigner sans raison. Le jour où elle n’hésitera pas, la surprise sera peut-être d’autant plus grande. (…) Ces bonheurs et ces souffrances, ces paysages, ces hommes et ces femmes effacés de la matière par leurs bourreaux mais pas de ma mémoire, disparaîtront-ils avec mon cerveau lorsqu’il sera sans onde, et mon coeur sans battement et membres inertes? La réincarnation est l’un des grands mystères du bouddhisme. Ce livre, à sa manière, est peu de la même eau. Si un seul adolescent pouvait se méfier des slogans qui proclament que le bien de l’humanité exige la destruction de la moitié de ses semblables, j’aurais atteint mon but. »
Plus : « Que dire à un homme de 20 ans« , par le commandant Hélie de Saint Marc