L’idée d’une armée commune aux pays baltes tombe à plat

En forçant un peu le trait, l’on pourrait avancer que l’enclave russe de Kaliningrad est mieux défendue que peuvent l’être les trois Etats baltes, à savoir l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Ces derniers ne disposent pas des moyens nécessaires pour assurer des missions de police du ciel, lesquelles reviennent à d’autres pays membres de l’Otan. Ainsi, actuellement, ce sont des Mirage F1 CR de l’Escadron de reconnaissance 2/33 Savoie qui s’acquittent de cette tâche.

Parmi des trois pays, l’Estonie est celui qui fait l’effort le plus important en matière de défense, avec un budget alloué à ses forces armées équivalent 2% de son PIB. Pour 2013, ce dernier a été augmenté de 6%, pour atteindre 482,3 millions de dollars (361 millions d’euros). La Lettonie et la Lituanie ont des budgets militaires presque équivalents (environ 300 millions d’euros, entre 0,8 et 1% du PIB). A noter que Vilnius prévoit de revoir modestement (+ 20 millions) à la hausse ses dépenses militaires pour 2014.

Alors que l’on parle de « Smart Defense » ou de mutualisation des moyens, que ce soit au sien de l’Otan ou de l’Union européenne, afin de préserver, voire d’acquérir certaines capacités militaires, les pays baltes pourraient aller encore plus loin en matière de coopération entre leurs forces armées. Et cela d’autant plus qu’ils partagent les mêmes préoccupations, la principale étant l’effort de réarmement de la Russie, perçue comme restant encore une menace.

Aussi, le président letton, Andris Berzins, a ainsi récemment émis l’idée de fusionner les forces armées des pays baltes, ce qui permettrait de réunir leurs ressources et d’améliorer ainsi leurs équipements. Seulement, cette piste a été rejetée par son propre ministre de la Défense, Andris Pabriks, ainsi que par celui de l’Estonie, Urmas Reinsalu.

« Je ne pense pas que nous devrions regarder cela comme une proposition. Je pense que c’est une belle idée, mais cela restera un rêve pour des raisons pragmatiques, analytiques et rationnelles », a ainsi réagi Andris Pabriks, en affirmant ne pas connaître d’exemple dans le monde « où plusieurs pays partagent une armée commune. »

Même chose pour son homologue estonien, Urmas Reinsalu. Pour ce dernier, l’idée du président letton n’est « pas réaliste. » En outre, a-t-il avancé, « la configuration actuelle, avec trois armées différentes qui coopèrent et forment des unités mixtes temporaires pour des missions internationales, est optimale. »

Qui plus est, une autre difficulté serait d’arriver, pour ses trois pays, à s’entendre sur les moyens qu’ils seraient prêt à accorder à cette « armée balte ». Or, actuellement, leurs efforts respectifs en matière de défense ne sont pas égaux. En clair, l’un des trois pourrait payer plus que les deux autres, ces derniers ayant la possible tentation de se reposer sur le premier.

Et, même si la coopération militaire entre les pays baltes est « optimale », pour reprendre le terme de M. Reinsalu, il n’en reste pas moins qu’il existe une certaine rivalité entre eux. En mai 2012, le général estonien Ants Laaneots, ancien chef d’état-major des armées de son pays, s’en était ainsi pris aux forces lettones, en évoquant leurs faiblesses.

« Nous devons nous préoccuper de la question de savoir comment nous défendrons notre frontière méridionale, dans le cas où un ennemi pénètrerait en Lettonie », avait-il lancé. Ce qui avait eu le don d’agacer le ministre letton de la Défense. « L’armée lettone n’est en rien plus faible que l’armée estonienne! », avait alors répondu Andris Pabriks, en estimant que « les ambitions personnelles d’anciens officiers devraient s’affirmer dans les limites de leur État et non sur le dos des pays voisins. »

Cela étant, même si l’idée d’une armée balte n’est pas possible en l’état (mais le sera-t-elle un jour?), il est toujours possible pour la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie de renforcer davantage leur coopération en achetant, en commun, des équipements ou des munitions. Une telle initiative a déjà été lancée cette année, avec l’acquisition de munitions, pour un montant 50 millions d’euros, destinées au canon sans recul de type Carl Gustaf, via l’Agence européenne de défense.

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