Syrie : L’Arabie Saoudite aurait tenté d’amadouer la Russie

Depuis le début de la crise syrienne, l’Arabie Saoudite et le Qatar cherchent à accroître leur influence au sein de l’opposition armée qui se bat contre les forces de Bachar el-Assad, renforcés par des éléments du Hezbollah libanais et de combattants chiites venus d’Irak ainsi que de l’appui militaire de l’Iran et du soutien politique de la Russie.

Début juillet, Riyad a remporté une manche décisive puisque c’est l’un de ses protégés, Ahmed Assi Jarba, qui a été élu à la tête de la Coalition nationale syrienne, aux dépens de Moustapha Al-Sabbagh, un homme d’affaires proche de l’émirat du Qatar, lequel soutien les Frères musulmans syriens. En outre, il semblerait que l’Arabie Saoudite ait accéléré les livraisons d’armes à destination des rebelles syriens.

Seulement, cela n’est pas suffisant car les forces régulières syriennes reprennent peu à peu la main, comme cela a été récemment le cas à Alep. Par ailleurs, au Conseil de sécurité des Nations unies, toutes les initiatives concernant la Syrie sont bloquées par la Russie. Ce qui rend improbable, du moins sur le plan du droit internationale, toute éventuelle intervention militaire extérieure pour venir en aide aux rebelles syriens.

C’est pourquoi, selon l’agence Reuters, le prince Bandar ben Sultan, le chef du renseignement saoudien, a proposé au président Poutine de lui acheter des armes, d’investir dans son pays et de ménager les intérêts russes en matière d’exportation de gaz naturel en échange d’une position plus « compréhensive » au Conseil de sécurité. En clair, pour que Moscou ne mette pas son veto à tout projet de résolution concernant la Syrie.

Cette offre a été faite le 31 juillet dernier, à l’occasion d’un déplacement à Moscou du prince Bandar. D’après des membres de l’opposition syrienne proches de Riyad, il aurait été question de commandes d’armements d’un montant de 15 milliards de dollars. Mais a priori, Reuters a rapporté qu’aucun chiffre n’avait été avancé selon une « source bien informée du Golfe ».

En 2009, la presse russe avait indiqué que l’Arabie Saoudite avait fait une telle proposition au  Kremlin. Il était en effet question de l’achat auprès de la Russie d’une « grande quantité d’armements » (pour 2 milliards de dollars) afin de la convaincre de ne pas livrer de systèmes de défense aérienne S-300 à l’Iran. Ces matériels ne sont jamais arrivés à Téhéran, non pas en raison d’une commande saoudienne mais d’un arrangement passé avec Israël.

A l’époque, le quotidien Vedomosti avait parlé de négociations portant sur la livraison à l’Arabie Saoudite de chars T-90S,  de véhicules blindés BMP-3, d’hélicoptères Mi-36 et Mi-17 et de systèmes anti-aériens. Or, traditionnellement, Riyad équipe des forces armées en se fournissant auprès des Etats-Unis, du Royaume-Uni et, dans des proportions plus modestes, de la France. Et, depuis, le royaume saoudien a conclu des contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars avec l’industrie américaine de défense. Au point d’ailleurs que l’on voit mal ce qu’il pourrait acheter de plus à la Russie.

Le plus intéressant est sans doute l’offre saoudienne en matière d’énergie. En 2009, le président syrien avait refusé de signer un accord avec le Qatar visant à construire un gazoduc reliant le Golfe à l’Europe en passant par la Syrie. Et cela pour une raison simple : Damas voulait ménager les intérêts de son allié russe, premier fournisseur de gaz naturel du Vieux continent.

Aussi, le prince Bandar aurait donné l’assurance que, « quel que soit le régime » qui succéderait à celui de Bachar el-Assad, l’Arabie Saoudite ne permettrait pas que le gaz naturel venu du Golfe transite via la Syrie. Apparemment sans succès.

« Le président Poutine a écouté poliment son interlocuteur et lui a fait savoir que son pays n’allait pas changer de stratégie malgré ces propositions » a fait savoir un diplomate arabe ayant des contacts à Moscou et dont les propos ont été rapportés par l’AFP. « Bandar ben Sultan a alors fait comprendre aux Russes que la seule option était donc militaire en Syrie et qu’il fallait oublier Genève car l’opposition ne s’y rendrait pas », a-t-il ajouté.

Le fait est. La Russie n’a aucune raison de lâcher le président Assad alors que ce dernier renforce ses positions face une rébellion syrienne divisée. En outre, la promesse d’un important achat d’armes auprès de l’industrie russe de défense est peu crédible. Enfin, pour ce qui concerne le transit du gaz vers l’Europe, Moscou a l’assurance que rien ne bougera tant qu’il n’y aura pas de changement à la tête de la Syrie étant donné que le pouvoir en place lui est favorable.

En outre, les relations entre Damas et Moscou sont anciennes. En proposant des rials au président Poutine pour acheter sa passivité au Conseil de sécurité, le prince Bandar a fait preuve de cynisme en montrant ainsi qu’il connaissait le prix de tout mais la valeur de rien.

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