Ce que prévoit la prochaine Loi de Programmation Militaire

Comme tous ceux qui ont occupé la fonction de ministre de la Défense avant lui, Jean-Yves Le Drian entend que la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), qu’il va présenter ce 2 août en Conseil des ministres, sera respectée. Seulement, cette dernière repose sur plusieurs paris qui, si jamais ils ne sont pas tenus, seront susceptibles de la remettre en cause.

Jusqu’en 2016, le budget des forces armées sera « gelé » au même niveau qui était le sien en 2012, soit 31,4 milliards d’euros. La non prise en compte de l’inflation (2% par an en moyenne) constituera donc la contribution du ministère de la Défense à l’effort de redressement des comptes publics. Par la suite les crédits militaires augmenteront pour atteindre 32,51 milliards en 2019.

Dans ce contexte, les forces armées devront rendre 24.000 postes supplémentaires (dont 5.800 officiers), en plus des 54.000 qu’il avait été décidé de supprimer lors de la précédente LPM. En 2019, il restera 242.000 militaires, ce qui « n’est pas rien », selon Jean-Yves Le Drian, qui s’est exprimé sur ce sujet à l’antenne d’Europe1. L’idée est de faire des économies sur la masse salariale… laquelle a pourtant augmenté ces dernières années malgré l’importante déflation d’effectifs qu’a connu le ministère de la Défense.

Une des conséquence de ces nouvelles suppressions de postes sera la fermeture d’un « nombre limité » de sites. Les décisions seront prise en fonction, d’après le ministre, de « la cohérence opérationnelle » et tiendront compte de « l’aménagement du territoire. »

En outre, pour « tenir » les objectifs budgétaires, il faudra trouver 6,1 milliards de recettes exceptionnelles (REX), lesquelles seront obtenues par la vente de biens immobiliers et de fréquences 790 MGH aux opérations de téléphonie mobile.

Seulement, et l’exécution de la dernière LPM qui a eu aussi recours à cet expédient l’a bien montré : ces REX sont aléatoires étant donné que l’on ne sait pas quand elles entreront dans les caisses du ministère. En cas de problème, l’Etat pourrait décider de céder les participations qu’il détient dans le capital d’entreprises. Pour le moment, le ministre a la certitude de disposer de 1,5 milliards de recettes exceptionnelles, grâce au Programme des investissement d’avenir (PIA).

Quant aux équipements des armées, la LPM prévoit d’investir annuellement, et en moyenne, 17 milliards d’euros courants, dont près de 5,5 milliards seront affectés aux grands programmes. Une autre pari qui est pris porte sur le rythme de livraison des avions Rafale. A l’heure actuelle, sur les 180 exemplaires ont été commandés, plus de 120 ont été livrés par Dassault Aviation, qui a besoin de produire 11 appareils par an pour maintenir ses lignes d’assemblage.

Or, la prochaine LPM prévoit la mise en service de seulement 26 Rafale au cours des 5 prochaines années sur les 60 qu’il reste à livrer. Initialement, 320 appareils devaient être commandés… Mais de restrictions en compressions budgétaires, la cible s’est réduite comme peau de chagrin…

Pour compenser les 34 avions que Dassault Aviation ne livrera donc pas à l’armée de l’Air et à la Marine nationale lors de l’exécution de cette LPM, le ministre fait le pari de l’exportation. Comme ses prédécesseurs…

En 2009, la question de vendre le Rafale au Brésil était brûlante au point que l’affaire était presque dans le sac, avec en échange, l’achat par la France d’avions de transport KC-390 d’Embraer. Depuis, l’on sait ce qu’il en est : Brasilia repousse sans cesse l’annonce de sa décision et on en toujours au même point. Même chose pour la commande éventuelle des Emirats arabes unis… Plus de 5 ans que l’affaire a viré en feuilleton, avec ses rebondissements.

Cette fois, le ministre a évoqué l’intérêt du Qatar pour le Rafale. Rien de nouveau là-encore. L’Inde, qui a retenu le Rafale avant l’arrivée de Jean-Yves Le Drian à l’Hôtel de Brienne, reste la piste la plus certaine. Le contrat, qui reste à finaliser, prévoit l’acquisiton de 126 avions… dont seulement 18 devraient être assemblées en France…

En attendant, il est prévu une enveloppe de 1 milliard d’euros pour, d’après le ministre, « l’adaptation du nouveau modèle du Rafale » (ndlr, standard F3R) et une autre de 700 millions pour « la définition du drone de combat futur. » Et cela afin de faire tourner le bureau d’études de Dassault Aviation (qui n’a pas besoin de l’Etat pour vivre.. Ses Falcon se vendent très bien).

Pour le reste des livraisons prévues pour équiper les forces armées, il est question de 12 drones MALE et de 14 drones tactiques Watchkeeper, de 15 avions de transport tactique A400M « Atlas », des 2 premiers A-330 MRTT (sur les 12 qui seront commandés) en 2017, voire 2018, de 42 hélicoptères NH-90 (29 TTH et 13 NFH), de 12 autres Tigre, de 5 frégates multimissions (FREMM), d’un sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, de 450 Missiles Moyenne Portée, de 92 VBMR, le successeur du Véhicule de l’avant-blindé (VAB), sur une cible de 2.080 engins), de 102 VBCI (en plus des 500 déjà livrés) et de 4.400 équipements FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés). Sur ce dernier point,  22.600 systèmes environ avaient été commandés et 10.000 ont déjà été livrés.

Reste donc à voir si cette LPM 2014-2019 sera respectée à la lettre. Mais vouloir est une chose – et M. Le Drian ne manque pas de volonté –  et pouvoir en est une autre. Par le passé, tous les ministres qui se sont pliés à cet exercice ont juré que leur loi de programmation serait respectée. Seulement, il faut faire avec les impondérables. En tout cas, si les perspectives économiques de la France s’améliorent, alors le pari aura des chances d’être tenu. En revanche, si la situation se dégrade, ce texte connaîtra le même destin que les autres.

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