Le chef d’état-major américain précise les options militaires possibles en Syrie
Il y a près d’un an, le président américain, Barack Obama, avait fait une ligne rouge de l’utilisation éventuelle d’armes chimiques par le régime syrien de Bachar el-Assad. Depuis, ce dernier a été accusé par Londres, Paris et Washington d’y avoir eu recours. S’est donc posé la question de savoir ce qu’allait faire la Maison Blanche.
Pour le moment, seule l’option de livrer des armes aux combattants de l’Armée syrienne libre (ASL) a été retenue par le président Obama. Mais cette idée, si elle devrait être avalisée par le Congrès (ndlr, juridiquement, la Maison Blanche peut se passer de son accord), il n’en reste pas moins que les parlementaires sont, dans leur majorité, réservé sur cette question dans la mesure où ils estiment important le risque de voir tomber ces matériels dans de mauvaises mains.
C’est d’ailleurs pour la même raison que le Premier ministre britannique, David Cameron, pourtant en pointe il y a peu pour livrer des armes à la rébellion syrienne, vient de faire volte face lors d’un entretien accordé à la BBC, le 21 juillet. Selon The Telegraph, le directeur du MI-6, les services de renseignement britanniques, l’aurait mis en garde en privé contre une telle initiative. En outre, l’opinion publique et les parlementaires n’y sont pas favorables.
Quant à la position de la France, qui a demandé et obtenu, avec le Royaume-Uni, la levée de l’embargo de l’Union européenne sur les armes à destination de la Syrie, elle n’a pas changé d’avis. Ce dernier a été rappelé par son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, le 18 juillet. « Nous avons cette faculté (ndlr, de livrer de fournir des armes) mais nous n’avons pas livré des armes létales, voilà la position qui est la nôtre », a-t-il affirmé (au passage, l’on voudrait bien connaître l’intérêt des armes « non létales » contre un adversaire disposant de fusils d’assaut, d’avions et d’hélicoptères de combat…).
En tout cas, il est désormais clair que le Royaume-Uni est en retrait sur ce dossier et qu’il n’est plus question d’une quelconque action militaire en Syrie. Le général Sir David Richards a donné le détail de ce que cela impliquerait avant de quitter ses fonctions de chef d’état-major des armées britanniques. Selon lui, instaurer une zone d’exclusion aérienne serait « en soi insuffisante » car il faudrait détruire les « défenses aériennes » et s’assurer que les forces régulières syriennes ne puissent « plus manoeuvrer. » En clair, cela reviendrait à faire la guerre. « C’est justement une décision énorme et importante. Il y a beaucoup d’arguments pour le faire, mais il y en a aussi de nombreux pour ne pas le faire », a-t-il ajouté.
Comme son homologue britannique, le général américain Martin Dempsey, le chef d’état-major interarmées, a soumis plusieurs options « militaires » au président Obama. En bon soldat, l’officier a refusé de donner son opinion sur ce qu’il convenait de faire ou pas en Syrie, lors d’un échange musclé avec le sénateur John McCain, lequel est partisan d’une intervention de son pays pour aider les rebelles syriens. « La décision d’utiliser la force revient à nos élus », a-t-il affirmé, après avoir estimé que Bachar el-Assad avait des chances de se maintenir au pouvoir encore pour quelques temps, dans la mesure où ses troupes semblent avoir repris le dessus.
Quoi qu’il en soit, le général Dempsey a fait ce que le président Obama lui avait demandé en établissant 5 scénarii d’une possible intervention militaire américaine en Syrie. Ces derniers ont été détaillés dans une lettre adressée au président de la Commission des force armées du Sénat, à savoir Carl Levin. « La décision d’envoyer éventuellement des soldats américains en Syrie « est une décision politique, que notre nation a confiée à ses dirigeants civils », a-t-il encore insisté.
Parmi les actions possibles, le général Dempsey évoque d’abord la fourniture de renseignements et la formation militaire des rebelles syriens. Jusque-là, rien de nouveau… Il se dit que cela se fait déjà en Jordanie…
Ensuite, une autre option serait de réaliser des frappes aériennes visant les défense anti-aériennes, les missiles ainsi que les forces navales et aériennes du régime de Bachar el-Assad. Ce qui, selon l’officier, demanderait « des centaines d’avions et de navires » et pourrait coûter « en fonction de sa durée, des milliards » de dollars.
La troisième option découle de la seconde (ou vice versa) puisqu’il s’agirait de mettre en place une zone d’exclusion aérienne pour empêcher l’aviation du régime de bombarder les zones conquises par la rébellion. La quatrième serait d’instaurer des zone tampons pour protéger les frontières avec la Turquie et la Jordanie. « Un tel choix impliquerait l’emploi de la force pour défendre ces zones et coûterait plus d’un milliard de dollars par mois », expliqué le général Dempsey.
Enfin, la cinquième option possible serait de déployer « des milliers de membres des forces spéciales et d’autres forces terrestres (…) pour prendre d’assaut et sécuriser les sites capitaux » où se trouvent les armes chimiques du pays. Si jamais il doit y avoir un engagement militaire américain en Syrie, cette possibilité est sans nul doute la plus probable. D’ailleurs, les hommes de la 82nd Airborne Division s’y préparent en enchaînant les exercices sur ce thème (voir vidéo ci-dessus).
Quoi qu’il en soit, le général Dempsey a prévenu : « Une fois que nous avons agi, nous devons être prêts pour la suite. Un engagement plus important est difficile à éviter. » Qui plus est, un tel projet risque de provoquer de très fortes tensions avec la Russie, qui, au Conseil de sécurité des Nations unies, ne donnera jamais son accord à toute intervention militaire en Syrie. Mais ça, ce n’est pas le problème du chef d’état-major des armées américaines.