La concurrence des pays émergents en matière de vente d’armes s’affirme

L’on s’en doutait, le cru 2012 des exportations françaises d’armements n’allaient pas être très bon. Ce que le délégué général à l’armement (DGA), Laurent Collet-Billon, avait confirmé en février dernier.

Ainsi, selon le rapport au parlement sur les exportations d’armes rendu public le 22 juillet par le ministère de la Défense, les ventes françaises d’équipements et de matériels militaires se sont élevées à 4,8 milliards d’euros, contre 6,5 milliards en 2011, soit une baisse de 26%.

Le montant des exportations françaises « est consolidé autour d’un socle de contrats inférieurs à 200 millions d’euros qui constituent la partie stable du marché », précise le rapport.

Toutefois, la France reste toujours parmi les 5 plus importants exportateurs d’armes mais, a priori, elle est désormais devancée par Israël, dont les ventes à l’étranger ont dépassé les 5 milliards en 2012.

Cependant, en la matière, et comme le rapport le souligne, « les exportations d’armement s’apprécient essentiellement dans la durée » étant donné que ce marché « fonctionne par cycles » et que « le poids de contrats majeurs est prépondérant. » Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter outre-mesure… Ainsi, si jamais le contrat portant sur la vente de 126 avions Rafale à l’Inde se concrétise cette année, la hiérarchie des exportateurs d’équipements militaires sera en partie bouleversée.

Cela étant, la baisse des ventes françaises, indique le rapport, est donc due pour une bonne part au « faible nombre de contrats de plus de 200 millions d’euros obtenus » alors que, même si les dépenses militaires ont diminué en 2012 de 0,5% par rapport à l’année précédente, les exportations mondiales d’armements ont augmenté de près de 9%.

Plusieurs raisons sont avancées dans le rapport. En premier lieu, la « contraction des demandes domestiques dans les principaux pays occidentaux » rend la concurrence plus rude, avec des « leaders du marché » se montrant « particulièrement agressifs sur le plan commercial » en offrant « à leurs clients des conditions particulières qui leur permettent de distancer leurs concurrents. » C’est notamment le cas des industriels américains, qui cherchent à compenser la baisse du budget alloué au Pentagone.

Une autre explication est l’émergence de nouveaux acteurs du secteur de l’armement, comme la Chine, la Turquie, la Corée du Sud ou encore le Brésil. Ces derniers « tendent à s’affirmer comme des concurrents sérieux sur l’ensemble des segments du marché » et « poursuivent ainsi la constitution de leur propre » base industrielle de défense, « plus autonome, opérationnelle et solide tandis que leur ambition de devenir des exportateurs d’armements majeurs est indissociable de leur volonté d’être reconnus comme des puissance qui comptent sur la scène internationale. »

Quant aux exportations françaises, l’Asie-Pacifique s’impose comme étant leur principale destinations, avec 52% des prises de commandes. L’Inde, avec 1,2 milliard d’euros de commande, est devenue, en 2012, le premier partenaire commercial de la France, devant l’Arabie Saoudite (636,1 millions), la Malaisie (461 millions), les Etats-Unis (208,4 millions) et la Russie (185,4 millions).

A noter que la Chine, qui fait pourtant l’objet d’un embargo de l’Union européenne depuis 1989, a passé commande pour 114,3 millions d’euros d’équipements militaires. Et le Brésil, avec qui d’importants contrats ont été passés en 2008 et 2009 (avec respectivement 1,4 et 3,9 milliards) ne pèse quasiment rien en 2012 dans les exportations françaises, avec seulement 5,8 millions d’euros.

Plus généralement, l’industrie française de l’armement a réalisé un chiffre d’affaire de 15 milliards d’euros en 2012, dont un tiers grâce aux exportations. Elle s’appuie, souligne le rapport, sur « un tissu économique, social et industriel d’environ 150.000 emplois », structuré autour « d’une dizaine de grands groupes et de 4.000 PME. »

Ce rapport au parlement sur les exportations d’armes est publié depuis maintenant une douzaine d’années. Dans une « démarche de transparence », le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a décidé d’en avancer la publication afin de le « rendre disponible aux parlementaires avant l’été » tout en s’engageant à en présenter, en septembre, les conclusions devant « la commission des Affaires étrangères et de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale » ainsi que « la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. »

Pour autant, certaines organisations non gouvernementales (ONG) ne trouvent pas leur compte dans cette « démarche de transparence. »

« Le rapport publié ce matin ne comporte aucun détail sur les utilisateurs finaux des armes livrées, des pays s’étant vus notifiés un refus, des autorisations de ré-exportation ou encore des matériels effectivement livrés, au-delà des grandes catégories de l’Union européenne », déplore Nicolas Vercken, d’Oxfam France.

« Aujourd’hui, les informations transmises ne permettent pas de faire la différence entre un pistolet semi automatique ou un viseur ; entre une balle de pistolet et une sous-munition, entre une bombe et une torpille, ou bien entre un avion, un hélicoptère, un drone ou un parachute! Quelle est la réalité du contrôle dans ce contexte? Pas de passage non plus à une transparence sur une base trimestrielle, ou au moins semestrielle. Ce n’est qu’à cette condition qu’on pourra contrôler de manière effective la politique d’exportation », a-t-iul ajouté.

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