Syrie : Que s’est-il passé à Lattaquié, le 5 juillet dernier?

Le 19 juin dernier, une forte explosion avait été entendue à proximité d’un site militaire du port syrien de Lattaquié, au nord de Damas. Sur le réseau social Twitter, des habitants de cette ville, à majorité sunnite, indiquèrent que la déflagration avait « soufflé des fenêtres ».

La télévision d’Etat syrienne indiqua alors que cette éxplosion avait été causée par un ‘ »incident technique » dans un dépôt d’armes tandis que, de son côté, l’observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), proche de l’opposition, avait dit en ignorer l’origine.

Trois semaines plus tard, précisément le 5 juillet, une nouvelle explosion a eu lieu à Lattaquié. Là encore, son origine n’est pas clairement établi. Dans un premier temps, l’OSDH a expliqué que des roquettes avaient été tirées sur un dépôt d’armes des forces syriennes. Une hypothèse accréditée par le régime de Damas, qui a parlé d’une attaque rebelle sur la base navale de Safira, située à proximité du port.

Seulement, Qassem Saadeddine, un porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL) a confié à l’agence Reuters, qui en a fait une dépêche datée du 9 juillet, que de fortes explosions avaient bel et bien eu lien à Lattaquié mais que les rebelles  – du moins ceux au nom desquels il s’exprime – n’y étaient pour rien. « Il s’agit soit d’un raid aérien, soit de missiles tirés depuis des navires en mer », a-t-il expliqué, en indiquant que le site visé abritait des missiles, en l’occurrence des engins anti-navires de type Yakhont d’origine russe.

Or, pour Israël, la livraison de cet armement par Moscou à la Syrie n’était pas acceptable étant qu’il y a risque pour qu’il se retrouve dans les mains du Hezbollah, la milice chiite libanaise alliée proche du régime de Bachar el-Assad et soutenue par Téhéran. Le missile Yakhont changerait la donne stratégique dans la région dans la mesure où, avec sa portée de 300 km, il menacerait les opérations de la marine israélienne, les plate-formes gazière au large de l’Etat hébreu et le trafic commercial du port d’Haïfa.

D’où l’hypothèse d’une nouvelle opération israélienne en Syrie, ayant visé cette fois la base navale de Safira. Et cela d’autant plus que, d’après les prises de vue satellites d’une société commerciale américaine, les dégâts infligés au site sont très importants, au point qu’il n’est pas envisageable qu’ils aient été causés par une attaque de l’Armée syrienne libre ou des groupes jihadistes.

D’où les affirmations faites ces derniers jours par plusieurs médias. Ainsi, pour CNN, qui cite un responsable du Pentagone, l’aviation israélienne, dont les F-16I et F-15I sont cloués au sol après l’accident de l’un d’entre eux, aurait lancé un raid aérien nocturne contre un dépôt de missiles Yakhont ce 5 juillet. Idem pour le New York Times. Le Sunday Times britannique a encore été plus précis en parlant d’une attaque lancée depuis un sous-marin Dolphin de la marine israélienne, en coordination avec les Etats-Unis. A priori, il semblerait que cette version des faits soit la plus plausible.

Fidèles à leur habitude pour ce genre d’affaires, les responsables israéliens n’ont ni confirmé, ni infirmé la responsabilité de leur pays dans cette action. « Nous avons déjà fixé publiquement des lignes rouges dont le franchissement porterait atteinte à nos intérêts. Il n’y a rien de nouveau depuis lors », a sobrement déclaré Moshé Yaalon, le ministre de la Défense.

« Dès qu’il se passe quelque chose au Moyen-Orient, on accuse Israël. Je n’ai pas l’habitude de dire ce qu’on fait ou ne fait pas. Je peux vous dire que ma politique est d’empêcher le transfert d’armes dangereuses au Hezbollah et à d’autres groupes terroristes », a affirmé Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien.

Si l’attaque de Lattaquié est bel bien le fait d’Israël, alors il s’agirait de la 3e en 6 mois, Tsahal étant déjà intervenue à deux reprises en Syrie afin d’empêcher des transferts d’armes vers le Hezbollah. A l’époque, Damas avait menacé l’Etat hébreu de représailles, notamment en direction du plateau du Golan, en cas de nouvelle opération. Mais comme le régime syrien s’obstine à mettre la destruction du dépôt d’armes sur le dos des rebelles, il est à croire qu’il n’a pas les moyens de passer des paroles aux actes.

De son côté, estimant que la situation demande des « mesures de sécurité permanentes », le chef d’état-major de Tsahal, le général Benny Ganz, a décidé de renforcer les moyens militaires sur le Golan, avec la mise sur pied d’une nouvelle division régionale, composée essentiellement de réservistes.

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