Le coup de chapeau d’un militaire américain à ses homologues français

Travailler en coalition peut avoir deux conséquences : démentir les idées reçues que l’on peut avoir sur ses alliés ou bien les confirmer. Dans le cas de Chris Hernandez, un ancien soldat du corps des Marines, aujourd’hui membre de la Garde nationale du Texas et contributeur du milblog Breach Bang Clear, c’est clairement la première option qui prévaut.

Avant de partir en Afghanistan, en 2009, et plus particulièrement dans la province de Kapisa, Chris Hernandez avait des tas de préjugés sur les militaires français avec lesquels il allait travailler pendant quelques mois, en l’occurrence ceux du 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA).

Il serait intéressant, d’ailleurs, de connaître les raisons qui font que le militaire français a mauvaise presse outre-Atlantique. Certes, le « french bashing » a été à la mode en 2003, lors de l’affaire irakienne. Que l’on se souvienne des expressions traitant les Français de « Cheese-eating surrender monkeys » (singes capitulards bouffeurs de fromage), de « poules mouillées », de « dégonflés ».

Parmi d’autres idées reçues, l’on trouve celle-ci : « La France est un pays qui préfére se rendre plutôt que combattre. » Et l’on passe sur une certaine propension à mettre en avant les défaites militaires françaises, comme si Bouvines n’avait pas réussi à effacer Crécy, comme si Austerlitz, Valmy ou encore Friedland et Iéna de valaient pas tripette face à Waterloo, comme si la conduite magnifique des légionnaires à Camerone (Mexique) était oubliée, comme si l’armée française n’avait pas donné la preuve de sa vaillance et de son courage lors de la Grande Guerre.

Sans doute que ces jugements superficiels, partagés par un certain nombre d’Américains, viennent de la débâcle de mai-juin 1940… au cours de laquelle, pourtant, et contrairement à ce qui est dit généralement, les soldats français se sont vaillamment battus, comme par exemple à Tannay, le 23 mai 1940, ou 47 cavaliers du 93e GRDI se lancèrent, baïonnette au canon, dans une contre-attaque face à des forces allemandes largement supérieures en nombre?

L’on pourrait continuer à donner des aguments à n’en plus finir… Mais finalement, rien ne vaut l’expérience vécue, aux côtés des autres au sujet desquels l’on nourrit des a prioris, pour changer sa vision des choses. C’est donc ce qui est arrivé à Chris Hernandez, qui ne supporte désormais plus ce « french bashing » chez ses compatriotes.

Son témoignage, signalé sur la page Facebook du blog Mars Attaque, est intéressant dans la mesure où il vient de la « base ». « Quels que soient les Français ou la politique de leur gouvernement, leurs soldats sont courageux, bien formés, dans une forme fantastique et agressif » commence par écrire Chris Hernandez, qui n’en a pas dit autant au sujet d’autres contingent alliés (les Italiens et les Allemands en prennent pour leur grade, soit dit en passant) . « Décrire ces hommes comme des lâches est absolument injuste », insiste-t-il.

« Je suis arrivé en Afghanistan six mois après cette embuscade (ndlr, Uzbeen). Au cours des neuf mois suivants, j’ai participé à de nombreuses patrouilles et missions avec les troupes de montagne et de marine françaises (ndlr, 27e BCA et 3e RIMa). J’ai appris à parler assez bien le français et j’étais capable de relayer l’information entre les réseaux de radio américaines et françaises. Parfois, j’étais le seul Américain à prendre part à des missions françaises. Mes inquiétudes au sujet de travailler avec eux étaient totalement infondées, et depuis lors, je suis en colère quand j’entends que « les Français sont des lâches », explique-t-il.

Et de livrer ensuite plein d’anecdotes pour illustrer son propos. Certaines sont savoureuses. Comme celles au sujet des différences d’attitudes au sein des armées françaises et américaines. Pour Chris Hernandez, les soldats français peuvent être sérieux en opération et être « détendus » le reste du temps. Ce qui ne semble pas être le cas chez leurs homologues américains, et en particulier au sein du commandement.

Ce qui a frappé l’ancien marine est que les militaires français sont capables de choses que d’autres n’oseraient même pas faire. Comme par exemple avec les AMX-10RC, un « multiplicateur de force » dans la contre-insurrection.

Ayant été réveillé, une nuit, par une forte explosion, quelle ne fut pas la surprise pour Chris Hernandez de voir, à l’aube, un AMX-10RC « à mi-hauteur d’une montagne derrière l’avant-poste. » Et d’ajouter :  « Un équipage de char courageux et / ou stupide avait roulé sur un sentier étroit dans l’obscurité pour frapper les taliban. Je n’aurais pas eu envie d’être à la place du pilote, qui avait eu à négocier cette piste (…) sachant qu’en cas d’erreur, son équipage roulait au bas de la montagne. » Aussi, pour l’ancien soldat américain, « conduire un char sur une montagne dans l’obscurité n’est pas quelque chose que font les lâches. »

Un autre anecdote encore. Des éclaireurs américains s’inquiétaient de la capacité des chasseurs alpins à les suivre en montagne. Finalement, ce sont les soldats français qui les ont aidés à arriver au sommet, étant donné qu’ils étaient « déjà à la traîne dans les premieres centaines de mètres. »

« Je demande aux ‘guerriers’ américains de reconsidérer les opinions négatives qu’ils pourraient avoir sur les troupes françaises », conclut Chris Hernandez. « Les Français sont allé à la guerre en Afghanistan et ils y ont perdu une centaine d’hommes (ndlr, 88 en réalité), pas parce qu’ils ont été attaqués. Ils se sont battus pour nous, parce que nous avions été attaqués. Et ils se sont accrochés pendant des années jusqu’à ce qu’ils subissent de graves pertes par des incidents ‘green on blue’ (ndlr, tirs de soldats afghans sur des membres de la coalition). Je ne les blâme pas pour avoir refusé de soutenir une nation dont les troupes les tirent dessus », a-t-il plaidé.

Et d’ajouter : « Aujourd’hui, les Français se battent contre notre ennemi terroriste commun en Afrique, en subissant des pertes (…). Ils méritent des éloges et le respect pour ce qu’ils ont fait en Afghanistan et pour ce qu’ils continuent de faire aujourd’hui. »

« Laissons tomber les mauvaises blagues et tâchons de leur montrer le respect qu’ils ont gagné », a-t-il insisté.

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