Nord-Mali : Le MUJAO a été sous-estimé
Un peu plus de trois mois après avoir rendu un premier rapport concernant la situation au Mali, les sénateurs Gérard Larcher et Jean-Pierre Chevènement viennent d’en déposer un second, le 4 juillet dernier. Dans ce copieux document, les deux parlementaires ont étendu leur étude à la région allant de l’Afrique occidentale au Sahel, en décrivant avec minutie les enjeux les tendances qui sont en train de s’y développer ainsi que les conséquences de ces derniers au niveau sécuritaire.
Démographie galopante, convoitises suscitées par les ressources naturelles, sous-développement chronique, difficultés économiques, trafics, radicalisation religieuse et bien évidemment terrorisme… Voilà les problèmes majeurs auxquels cette partie du monde doit faire face. Pour ce qui concerne plus particulièrement le risque terroriste, plusieurs pays y sont exposés car ils présentent des fragilités. C’est notamment le cas du Niger, de la Mauritanie, du Tchad, de la Tunisie, où le salafisme s’enracine, et de la Libye.
Ces pays sont susceptibles de constituer autant de refuges pour les groupes jihadistes armés. Notamment à cause de leur géographie. Le Niger, par exemple, dispose de massifs montagneux offrant les mêmes possibilités que l’Adrar des Ifoghas, au Nord-Mali, d’où les forces françaises et tchadiennes ont chassé les combattants d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) cet hiver. Quant à la Libye, qui reste un sujet de préoccupation majeur, il est à craindre qu’elle finisse par devenir une « plaque tournante articulant crises malienne et syrienne. »
Quant à la question de la radicalisation religieuse « qui s’opère en Afrique de l’Ouest », les deux sénateurs estimer que « la question de la scolarisation des enfants dans des écoles coraniques et de l’action des organisations caritatives des pays du Golfe doivent faire l’objet d’un suivi attentif ». Et que, par conséquent, le « soutien à l’éducation francophone et laïque doit être un des axes forts de notre politique de développement. » Il s’agit là de couper les vannes du recrutement des groupes jihadistes.
Ainsi, la « force » du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) est, expliquent les deux parlementaires, « d’être parvenu à combiner les effets de l’idéologie et du narcotrafic pour recruter et endoctriner des jeunes, principalement dans la région de Gao. »
D’ailleurs, le rapport estime que le Mujao, né d’une scission avec AQMI en 2011, a été sous-estimé dès le départ. « Considérés à l’origine comme de ‘simples’ narcotrafiquants, voire des ‘va-nu-pieds’, suivant une expression utilisée par une haute autorité algérienne rencontrée par vos rapporteurs, ils se sont avérés un ennemi coriace, particulièrement bien implanté dans la région de Gao », écrivent les sénateurs.
« Son recrutement (ndlr, du Mujao), essentiellement mauritanien et malien, lui assure un très bon enracinement local au Sahel. Certains estiment même que, grâce à un système de recrutement temporaire particulièrement lucratif pour les familles (600 euros forfaitaires pour un jeune de 14 à 16 ans, puis 400 euros de ‘revenus’ par mois ont été les estimations avancées), l’effectif du MUJAO aurait pu atteindre jusqu’à 10.000 personnes (l’effectif habituellement cité est toutefois presque 10 fois moindre : entre 400 et 1 000 combattants au plus haut) », ajoutent-ils.
Aussi, et selon les autorités algériennes, citées par les sénateurs, le Mujao « demeure la principale menace terroriste aujourd’hui au Mali et dans la région » et il est même susceptible de « représenter un risque (…) durable du même ‘calibre’ qu’AQMI alors qu’il a pu être considéré un temps, peut-être à tort, comme une organisation locale de trafiquants.