Des précisions sur les retombées radioactives des essais nucléaires français en Polynésie

Environ 150.000 personnes ont assisté aux 210 essais nucléaires réalisés par la France, d’abord dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966, puis en Polynésie française, jusqu’en 1996. Parmi elles, plusieurs sont tombées malades et leur état de santé aurait un lien avec l’exposition à la radio-activité.

En janvier 2010, un dispositif d’indemnisation a été mis en place, suite à une loi élaborée par Hervé Morin, qui était alors le ministre de la Défense. Mais pour les diverses associations de vétérans des essais nucléaires et de défense des populations exposées aux radiations, ce système est loin de répondre à leurs attentes. Ainsi, ont-elles fait valoir, le nombre de pathologies radio-induites est insuffisant par rapport à celui recensé par les Nations unies et les zones d’exposition retenues sont trop restrictives.

En février 2012, il a donc été décidé de compléter la liste des pathologies radio-induites pouvant ouvrir un droit à réparation et d’étendre « le périmètre géographique des zones de l’atoll de Hao et de celles de l’île de Tahiti, dans lesquelles le demandeur doit avoir résidé ou séjourné pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation. » Un décret devait être signé « dans les plus brefs délais » pour entériner ces mesures. Ce qui a été fait le 30 avril de la même année.

On en était resté là jusqu’à un article publié le 3 juillet dans les colonnes du quotidien Le Parisien [article payant]. Selon ce dernier, ce serait l’ensemble de la Polynésie française qui aurait été exposé aux radiations des essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France entre 1966 et 1974.

Et de pointer en particulier le tir effectué le 17 juillet 1974. Baptisé Centaure, cet essai a effectivement provoqué des retombées jusqu’à Tahiti. Se basant sur l’un des 58 documents récemment déclassifiés et concernant les tests nucléaires atmosphériques, Le Parisien écrit qu’au « chapitre plutonium, il est indiqué que la ‘radioexposition a été de 500 CMA/heure’ (*), c’est à dire 500 fois la ‘concentration maximale admissible’ en une heure. » Et d’ajouter : « Tahiti, l’île la plus peuplée de Polynésie, a été touchée par des retombées sous forme de pluis les 19 et 20 juillet. Ces retombées contenaient donc du plutonium, l’élément le plus dangereux pour la santé. »

En outre, le quotidien indique que « les documents déclassifiés permettent de chiffrer à plus de 350 le nombre de retombées radioactives sur l’ensemble de la Polynésie » et que ces éléments permettront au Pôle de Santé publique du parquet de Paris, saisi en 2004, d’avancer dans son enquête ouverte pour « homicide involontaire, atteinte à l’intégrité physique et administration de substance nuisible », à la suite d’une plainte de l’Association des vétérans des essais nucléaires français.

Cependant, le ministère de la Défense n’a pas manqué de réagir à l’article du Parisien et à apporter des précisions, et cela « dans une totale transparence. » Ainsi, selon lui, le journal l’apporte rien de fondamentalement nouveau étant donné des « publications à caractère scientifique réunissant l’ensemble des données » concernant les essais nucléaires en Polynésie « ont été largement communiquées » et que les éléments qui ont été récemment déclassifiés ont justement servi de « base pour la rédaction de ces ouvrages. »

Par ailleurs, l’Hôtel de Brienne admet que les 41 essais atmosphériques réalisés entre 1966 et 1974 ont bien « concerné l’ensemble de la Polynésie » mais à des « niveaux le plus souvent très limités. » En outre, il affirme que « les retombées de certains tirs ont affecté davantage quelques îles et atolls de la Polynésie française, en raison d’une évolution des vents provoquant un décalage de la trajectoire du nuage radioactif par rapport aux prévisions. »

S’agissant de l’essai « Centaure », le ministère de la Défense précise que « la dose reçue, dans le secteur de Mahina (ndlr, située au nord de Tahiti), représente seulement 6 % de la dose maximale admissible (soit 0,3 millisievert) fixée par la réglementation de l’époque, pour le public à 5 millisieverts » et que la « radioactivité d’origine naturelle délivre une dose individuelle de l’ordre de 1 millisievert en Polynésie française et de 2,4 millisieverts en moyenne par an en France métropolitaine. Celle délivrée lors d’une radiographie pulmonaire est d’environ 0,2 millisievert. »

Plus : La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie [.pdf]

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]