Quels profils pour la composante « cyberdéfense » de la réserve opérationnelle?

Le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) n’a évidemment pas oublié d’aborder le rôle que tiendront les réservistes au sein des forces armées. Et de préciser que la réserve opérationnelle de disponibilité, employée exclusivement en cas de crise grave, doit être rénovée pour devenir plus rapidement mobilisable et mieux identifiée » et qu’il « faudra en outre organiser la montée en puissance de nouvelles composantes (…) spécialisées dans des domaines dans lesquelles les forces de défense et de sécurité sont déficitaires ».

Et la cyberdéfense en fait partie. A son sujet, le LBDSN prévoit que cette dernière fasse « l’objet d’une composante dédiée au sein de la réserve opérationnelle », afin qu’elle puisse constituer « un atout au service de la résilience de la Nation. » Il s’agira ainsi de l’organiser « spécifiquement pour permettre au ministère de la Défense de dispser d’une capacité de cyberdéfense démultipliée en cas d’attaque informatique majeure. »

« Les réserves opérationnelle et citoyenne (…) souvent mal connues, souvent ignorées, du grand public et qui associent des Français de toutes conditions, de tous métiers, au bon fonctionnement des armées », a estimé le président Hollande, lors d’une allocution prononcée devant l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN), le 24 mai dernier. « Nous y ajouterons, dans ces réserves, une branche nouvelle pour la cyberdéfense, dont l’objectif sera de mobiliser de jeunes techniciens et informaticiens aux enjeux de la sécurité », a-t-il précisé.

Reste maintenant quels profils seront plus particulièrement recherchés pour cette composante « cyberdéfense » de la réserve opérationnelle. Pour commencer, il faudra que les volontaires soient assez disponibles pour y servir au minimum 20 jours par an et pendant plusieurs années. Cette durée peut être portée jusqu’à 90, voire même 120 jours, en fonction de leur emploi opérationnel. Un paramètre à prendre en compte est le manque de personnels qualifiés, ce qui risque de compliquer le recrutement.

Invité à s’exprimer devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées, le contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général en chargé de la cyberdéfense au sein de l’état-major des armées, a ainsi donné quelques précisions au sujet des compétences recherchées.

« La réserve opérationnelle est actuellement moins adaptée à un besoin en cas de crise car on n’y trouve qu’assez peu de personnes compétentes et surtout disponibles sous faible préavis dans les domaines qui nous intéressent », a-t-il commencé par expliquer. Cependant, cette situation devrait prochainement évoluer, comme le recommande le LBDSN.

Aussi, pour le contre-amiral Coustillière, en cas de crise majeure « où des dizaines de milliers de postes de travail doivent être revus », il faudrait un « plan de secours en trois niveaux. » Le premier concerne les experts très qualifiés, ce qui « relève (…) des compétences de l’Etat. » Le second ferait appel « à du personnel des sociétés privées ou à des cadres issus de la réserve. » Enfin, le dernier nécessiterait « de gros contingents » et constituerait justement cette branche « cyber » de la réserve opérationnelle.

Cette dernière, explique le contre-amiral Coustillière, s’adresserait « à des étudiants en formation de niveau licence-master ou à du personnel de niveau ‘administrateur réseau’ qu’il faudra « encadrer ». A priori, donc, il ne sera ainsi pas question de recruter des hackers ou des geeks autodidactes capables de pénétrer dans un système en moins de temps qu’il ne faut pour le dire… A moins qu’ils aient des références universitaires.

Pourtant , il y a près de deux ans, Eric Filiol, directeur de recherche à l’Ecole supérieure d’informatique, Electronique, Automatique (ESIEA), préconisait justement d’avoir recours aux hackers pour assurer la sécurité des réseaux, étant donné qu’il y avait à l’époque (et cela n’a pas dû changer de beaucoup aujourd’hui) une pénurie de spécialistes.

Un hacker est une « personne capable d’analyser en profondeur un système (…) de sorte à en comprendre les mécanismes les plus intimes, en privilégiant le résultat sur la méthode (contrairement souvent à l’approche académique) », avait-il avancé. Et de déplorer : « En France, on est encore, hélas, dans un monde d’anciens qui administrent mais ne comprennent rien à la technique et les jeunes hackers qui maîtrisent mais n’administrent pas. »

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