Président Giscard d’Estaing : « L’Europe de la défense restera un rêve »

Le dernier Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (LDBSN), publié le 29 avril dernier, nous explique, dans les grandes lignes, que le monde n’est pas moins dangereux qu’il y a 5 ans mais que les forces armées devront réduire une nouvelle fois leur format, avec la suppression de 24.000 postes supplémentaires.

La défense ne figurant pas dans les priorités gouvernementales, elle doit, comme d’autres missions de l’Etat dans son cas, contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, et cela, dans un contexte marqué par la crise économique. Par le passé, et dans environnement certes différent, l’on a connu une situation presque analogue.

Dans les années 1970, la France doit en effet faire face au choc pétrolier, lequel met un terme à la période de forte croissance économique que l’on appelera les « Trente glorieuses ». A cette époque, les armées françaises sont à la croisée des chemins. Avec la décision du général de Gaulle de doter le pays d’une force de frappe nucléaire, leurs crédits d’équipements ont en quelque sorte « vampirisé » ceux alloués à leur fonctionnement.

Telle est la situation que trouve le président Valéry Giscard d’Estaing après son élection en 1974. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, il raconte : « Quand j’arrive (…), la force de dissuasion est à peu près achevée. Mais les réductions de crédits de fonctionnement ont été telles que les avions ne volent plus, les bateaux ne sortent plus en mer et nos fantassins ne font plus de manoeuvres. Notre outil de défense est en crise. »

D’où sa décision de « remettre nos crédits (de la défense) dans un état compatible avec le bon fonctionnement de notre outil ». Et d’ajouter : « La situation s’est donc modifiée, l’armée de terre retrouvant des équipements, le moral s’est redressé et le commandement a été rénové. Nous avons pu remonter la pente jusqu’en 1981, date à partir de laquelle la courbe s’est inversée à nouveau. » Ce qui était nécessaire, à ses yeux, pour que la France puisse tenir son « rang dans le club des grands. »

Une autre raison avancée par le président Giscard d’Estaing est qu’il a dû faire face à « une situation insupportable », avec le « désordre » qui « s’installait dans les armées ». Et l’ancien chef de l’Etat d’expliquer que « divers incidents, notamment à la gare de l’Est » lui révélèrent « un début de décomposition du métier militaire, qui pouvait être très dangereux », étant donné qu’une « une révolte au sein de nos armées nous aurait mis en difficulté à l’égard de nos alliés et déconsidérés vis-à-vis du monde extérieur. » D’où la nomination du général Marcel Bigeard au poste de secrétaire d’État à la Défense.

Voilà pourquoi les crédits alloués à la Défense ont augmenté de 30% en monnaie constante sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, alors que la France était en crise économique. Pour ce dernier, « l’armée est une structure fondamentale de notre société » et « la disposition d’un outil de défense est une part de notre conscience collective. » D’où selon lui la raison pour laquelle « les Français n’ont pas critiqué » cet effort car « ils savent qu’une grande nation telle que la nôtre, avec la longue histoire qui est la sienne, a besoin d’un outil de défense efficace et bien organisé. »

A la question de savoir ce qu’il aurait fait dans le contexte actuel, le président Giscard d’Estaing a répondu qu’il « est certain que nous ne pouvons pas ne pas remettre de l’ordre dans nos finances publiques afin de réduire un endettement devenu extravagant. » Mais, a-t-il ajouté, « j’aurais mis à part nos dépenses militaires pour conserver cet outil en état’, avant de rappeler que « les plus importantes inventions technologiques comme le GPS, Internet ou dans le domaine de l’espace ont été faites, aux États-Unis comme en France, grâce au budget de la Défense. »

Mais, alors que l’on parle de « mutualisation » des moyens militaires au niveau européen, que certains regrettent, comme l’a récemment fait le député (UMP) Christophe Guilloteau, que l’Union européenne n’ait pas disposé d’une « vraie force d’interposition » à l’occasion de l’affaire malienne, le président Giscard d’Estaing, dont l’engagement pro-européen ne fait aucun doute, a affirmé que « l’Europe de la défense restera un rêve. »

Et d’expliquer : « Il n’existe que trois nations disposant de moyens militaires en Europe. D’abord les Britanniques, ensuite nous-mêmes, enfin les Allemands – mais ceux-ci ont des contraintes telles que cela les empêche d’être libres de leurs mouvements, comme on l’a vu dans les opérations de Libye. Quant aux Britanniques, une forte partie d’entre eux est ‘eurosceptique’. »

Aussi, l’ex-chef de l’Etat estime que « c’est entre nos nations, à commencer par le Royaume-Uni, que l’on peut imaginer constituer un outil cohérent, à un moment où nous assistons au remodelage de la sécurité dans le monde. »

Ce n’est pas la première fois que le président Giscard d’Estaing critique, ou fait mine de le faire en rappelant ce qu’il a fait quand il était aux affaires, la politique en matière de défense. Ainsi, en mai 2008, en marge de la commémoration du trentième anniversaire de l’intervention française à Kolwezi (à ce sujet, il y revient longuement dans l’hebdomadaire), il avait mis en garde contre des coupes trop sévères pouvant affecter l’armée de Terre.

« Je ne donne de conseils à personne, ce n’est pas dans mon habitude. Mais je dis tout de même : faites attention à l’armée de Terre! », avait-il affirmé.

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