Les moyens des forces armées et la défense européenne ont été abordés lors du débat sur l’opération Serval à l’Assemblée

Conformément à l’article 35 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Parlement avait à se prononcer sur la poursuite de l’opération Serval, lancée le 11 janvier dernier au Mali.

Sans surprise, et à l’issue d’un débat riche où un hommage a été rendu à l’action des soldats français ainsi qu’à leurs 5 camarades ayant perdu la vie au cours de cette intervention, la prolongation de la présence militaire au Mali a été votée par 352 députés sur 362 votants, le groupe « Gauche démocrate et républicaine » (Parti communiste et Front de gauche) s’étant abstenu.

Au cours des échanges dans l’Hémicycle, plusieurs interrogations ont toutefois été soulevées, comme par exemple la question du problème touareg dans la région de Kidal, le scepticisme de certains à l’égard du calendrier électoral malien, qu’ils jugent trop ambitieux pour être réalisé dans des délais aussi courts, la qualité des troupes africaines de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), appelées à former le noyau dur de la future Mission des Nations unies de stabilisation au Mali (MINUSMA) ou encore l’efficacité de la politique de l’aide au développement.

En clair, la France est au milieu du gué au Mali, d’où le vote favorable à la poursuite de l’opération Serval, à laquelle seront encore affectés moins de 4.000 hommes d’ici début mai, 2.000 en juillet et un millier à la fin de l’année.

Il s’agira ensuite de former une « force parallèle », ou de réaction rapide, en soutien à la MINUSMA, comme cela avait le cas avec l’opération Licorne et la ONUCI en Côte d’Ivoire. Autrement dit, des militaires français devraient être présents au Mali pendant longtemps…

Quoi qu’il en soit, et alors que le prochaine Loi de Programmation Militaire (LPM), basée sur les recommandations du nouveau Livre blanc (qui sera (enfin!) rendu public le 29 avril sera discutée dans les semaines qui viennent, la question des moyens des armées françaises est apparue en filigrane lors des débats. , les déficits capacitaires, identifiés depuis longtemps (manque de drones pour le renseignement, d’avions de transport et de ravitaillement en vol) ont été à nouveau soulignés.

« La France ne doit pas être contrainte de choisir entre le maintien de sa dissuasion nucléaire, d’une part, et celui de ses forces de projection, d’autre part. En ce début de XXIe siècle, ces deux éléments de notre politique de défense sont indispensables et indissociables. Et il faudra que la nation accepte de prendre en charge sa sécurité, faute de quoi nous serions condamnés à l’impuissance, au déclassement et à l’inaction si une nouvelle situation de ce genre, telle que nous l’avons vécue au Mali, devait se reproduire », a ainsi plaidé le député (UMP) Pierre Lellouche.

Maintenir l’effort de défense est aussi une préoccupation du socialiste Bruno Le Roux. Il est « une garantie de notre indépendance », un engagement qui nous permet de décider et d’agir de façon autonome » et il reste « essentiel pour garantir la place de la France et sa singularité dans le concert des nations » tout en lui permettant de  » respecter son histoire, de prendre ses responsabilités vis-à-vis du monde », a-t-il fait valoir.

« Car, oui, nous sommes la France. Ce n’est pas n’importe quel pays que le nôtre. Nous avons cette place particulière, ce rôle particulier dans la marche du monde. Être la France nous confère, c’est vrai, une responsabilité et un devoir », a-t-il insisté.

« Rares sont les pays, au sein de l’Union européenne, capables d’assumer, comme la France l’a fait, une opération de cette ampleur dont les conséquences, pourtant, sont positives pour toute l’Europe. L’effort consenti par la France, quel autre État européen aurait pu le faire? », s’est-il interrogé. D’où l’idée avancée de sortir les dépenses militaires du fameux seuil de 3% des déficits publics.

Rappelant que la France avait agi au mali pour l’intérêt de tous et que « c’est toute l’Europe qui est aujourd’hui plus en sécurité qu’il y a quatre mois », M. Le Roux a affirmé être favorable, au nom de son groupe parlementaire, « à une prise en compte spécifique de ce type d’effort dans le calcul des déficits publics des États de l’Union européenne. » Et d’ajouter : « L’effort de notre pays, qui bénéficie à la France, à l’Europe et au monde, doit être pris en compte comme une spécificité de notre action. »

Cette idée a d’ailleurs été en partie reprise par Pierre Lellouche. « Il conviendrait que le Gouvernement français interroge ses partenaires (…) sur ce qu’il faut bien appeler un véritable vide stratégique européen, et un manque de solidarité. Au minimum, on pourrait espérer qu’à défaut d’intervenir physiquement sur le terrain en soutien de cet État, en l’occurrence la France, nos partenaires acceptent au moins de partager l’effort financier », a-t-il affirmé, après avoir établi « le constat de décès de la belle idée de défense européenne » et déploré que « l’Union européenne est meilleure dans la préparation de documents » que « dans l’action. »

Intervenant au nom du groupe UDI, Hervé Morin, ancien ministre de la Défense (2007-2010) s’est également interrogé sur le manque d’efficacité de l’UE. « L’Europe ? Elle a montré une fois de plus, c’est un Européen convaincu qui le dit, son incapacité à avoir un rôle militaire et donc politique », a-t-il lancé. « À quoi bon d’ailleurs continuer à construire des forces européennes diverses et variées que nous préparons et organisons, puis les annoncer à grand renfort de communication pour in fine ne jamais s’en servir? J’ai eu cent fois ce regret quand j’étais en fonction. Il faudra un jour poser cette question aux Européens », a-t-il ajouté.

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