Centrafrique : La situation reste préoccupante à Bangui

Près d’un mois après la fuite du président François Bozizé, chassé du pouvoir par les rebelles de la coaltion « Séléka », la situation demeure tendue à Bangui. La capitale centrafricaine est en effet le théâtre de violents heurts entre partisans et opposants du nouveau régime.

Ainsi, au cours de la nuit du 15 au 16 avril, 7 combattants de la Séléka ont été tués et cinq autres blessés par des hommes armés et des civils dans le quartier de Boy-Rabié, qui, situé au nord de Bangui, est l’ancien fief du président déchu François Bozizé.

« Ces combattants avaient été désarmés par la police militaire de la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac) pour essayer d’apaiser le climat dans Boy-Rabé où la population est excédée par les pillages et les violences auxquels se livrent certains membres du Séléka », a précisé le général Ousman Mahamat, un responsable de l’ancien mouvement rebelle.

Plus tôt, une vingtaine de personnes ont été tuées dans des violences entre les combattants de la Séléka et les habitants de deux quartiers de la capitale. Désormais, la population de Bangui vit dans la crainte des pillages et des exactions, commises par des anciens rebelles ou des bandits se faisant passer pour ces derniers.

Le nouvel homme fort du régime, Michel Djotodia, a annoncé, le 16 mars, le renfort de 1.000 gendarmes et policiers pour faire revenir l’ordre et appelé au casernement des troupes. Seulement, ces mesures sont restées sans effet pour le moment, ce qui tendrait à montrer que la Séléka est minée par les divisions internes. Il pouvait difficilement en aller autrement étant donné que la coalition rebelles regroupe plusieurs mouvements ne partageant pas les mêmes vues. Qui plus est, afin de renverser le président Bozizé, elle a recruté des mercenaires d’origine tchadienne et soudanaise qui sont maintenant incontrôlables.

Cela étant, les nouvelles autorités centrafricaines ont demandé de l’aide à la France ainsi qu’à la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). Lors d’un sommet des chefs d’Etat des pays membres de cette dernière, organisé le 18 avril à N’Djamena (Tchad), il a été décidé de « doter la Fomac d’un effectif de 2.000 hommes et d’un mandat adéquat en vue d’accompagner les efforts du gouvernement de transition (centrafricain), tant dans le domaine de la sécurité que dans la restructuration des forces de défense et de sécurité. Cependant, aucun calendrier n’a été fixé pour ce déploiement, lequel reviedrait à multiplier par 4 les effectifs déjà présents en Centrafrique.

A Paris, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que la France est « disponible » pour aider au « retour de la stabilité », à condition que « soient installées des autorités légitimes ». Ce qui n’est pas le cas actuellement étant donné que Michel Djotodia, ancien fonctionnaire formé en Union soviétique et fondateur de la Séléka, s’était auto-proclamé président après la fuite de François Bozizé et qu’il a été confirmé à cette haute fonction pour un mandat de 18 mois par acclamation (et donc sans vote) par le Conseil national de transition (CNT), sorte d’assemblée constituante censée être formée par toutes les composantes politiques du pays.

En outre, les difficultés s’accumulent, l’adminstration centrafricaine ayant été en partie détruite, de même que le tissu économique. Et le pays n’avait pas besoin de ça étant donné qu’il fait déjà partie de plus pauvres de la planète.

Enfin, des tensions éthniques et religieuses sont à craindre. La population compte 45% de protestants, 35% de catholiques et 15% de musulmans, majoritairement originaires du nord d’où est partie la coalition Séléka. L’ancien président Bozizé avait d’ailleurs accusé les rebelles de « prêcher le wahhabisme », c’est à dire une interprétation rigoriste de l’islam. Ce qui n’était pas avéré.

Mais, selon des témoignages venus de Bangui et relatés par les agences de presse, il semblerait que, depuis le changement de régime, les chrétiens sont la cible des pillages pendant que les biens appartenant aux musulmans sont épargnés. « On est assis sur une bombe. Un mauvais sorcier peut faire exploser la maison. Je ne veux pas qu’on relativise le problème », s’était d’ailleurs inquiété, en mars dernier, Mgr Dieudonné Nzapalainga, l’archevêque catholique de Bangui.

« Il ne faut pas casser cette cohabitation que nous avons depuis plus de 50 ans (…) Je demande aux musulmans de ne pas dire ‘Aujourd’hui, c’est notre tour’. Il n’y a pas un tour, nous sommes tous des Centrafricains. Les dirigeants du Séléka doivent tenir compte des principes de l’islam (…) L’islam n’encourage pas la division, ni les vols ni les pillages », avait fait valoir l’imam Oumar Kobline Layama, président de la communauté islamique de Centrafrique.

« La République centrafricaine est un État laïque. Que ce soient les chrétiens et les musulmans, ils vivent dans un État laïc. Il est bien vrai : je suis musulman, mais je dois servir ma patrie, tous les Centrafricains », avait, de son côté, affirmé Michel Djotodia.

Cela étant, le risque est surtout de voir l’implantation en Centrafrique de groupes jihadistes venus de la bande sahélienne et/ou du Nigéria, laquelle pourrait être favorisée par une conjonction de plusieurs facteurs, dont le vide sécuritaire, l’absence d’un Etat en capacité d’agir et l’accroissement de la pauvreté.

Quoi qu’il en soit, et au vu de l’évolution de la situation, les militaires français envoyés le mois dernier depuis Libreville pour renforcer l’opération Boali et assurer la sécurité des ressortissants français et européens, risquent de rester à Bangui plus longtemps qu’escompté.

Pour rappel, les effectifs de l’opération Boali sont actuellement fournis par le 1er Régiment d’Infanterie de Sarreboug, lesquels ont été renforcés par une compagnie du 3e Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) et une autre du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (RPIMa) ainsi que par une compagnie PROTERRE du 501e Régiment de Chars de Combat (RCC) projetée depuis la France.

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