Six mois de prison ferme requis contre le sous-officier à l’origine de la fusillade de Carcassonne

L’ex-sergent Nicolas Vizioz, à l’origine de la fusillade de Carcassonne au cours de laquelle 16 civils venus assister à une démonstration dynamique du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (RPIMa) avaient été blessés, en juin 2008, risque deux ans de prison, dont six mois fermes. Telle est la peine requise par le procureur, Damien Kincher, au deuxième jour du procès concernant cette affaire, examinée par le tribunal correctionnel de Montpellier depuis le 10 avril.

Pour le ministère public, le premier responsable du drame est bien le sergent Vizioz, qui a mélangé par erreur des munitions réelles et à blanc dans son chargeur avant de prendre part à une simulation de libération d’otages à l’occasion de la journée « portes ouvertes » de son régiment. Il lui est également reproché de ne pas avoir respecté les réglements militaires, notamment ceux concernant la restitution des munitions non utilisées après un exercice. Pour le procureur, l’ancien sous-officier a été « trop confiant » et a « agi machinalement. »

Mais pour le magistrat, la hiérarchie de l’ex-sergent est également responsable, tant l’organisation de la démonstration que pour avoir laissé se constituer un stock illicite de munitions au sein du Groupement de Commandos Parachutistes (GCP). « Rien d’efficace n’a été fait pour stopper le détournement de munitions et un accident devait arriver. La foudre est tombée sur le 3e RPIMa ce jour-là, mais un climat avait été favorisé », a expliqué le procureur.

Aussi, il a requis un an de prison avec sursus contre l’ex-Lieutenant Christophe Allard et l’ex-capitaine Hugues Bonningues, les deux supérieurs directs du sergent Vizioz, six mois de sursis contre l’ex-colonel Frédéric Merveilleux du Vignaux et l’ex-lieutenant-colonel Lionel Peyre, respectivement chef de corps « sortant » et commandant en second du 3e RPIMa au moment des faits, et, enfin, deux mois avec sursis pour le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Pothier, l’organisateur de la manifestation.

Sanctionné de 30 jours d’arrêts après l’accident, le colonel Merveilleux du Vignaux, qui a tenu à accompagner ses « camarades » dans ce procès, s’est vigoureusement défendu des accusations portées contre lui au sujet de la gestion des munitions au sein du 3e RPIMa.

Ainsi, l’ex-officier a fait valoir qu’il était particulièrement attentif à ce sujet, surtout depuis qu’il avait été le témoin, lorsqu’il était encore jeune lieutenant, d’un accident mortel causé justement par une mauvaise gestion de munitions. Et d’ajouter qu’il avait organisé des réunions de prévention ainsi qu’une opération « mains propres » en donnant un « délit de grâce à chaque compagnie ».

« Une camionnette passait une nuit devant chaque compagnie et chacun pouvait y apporter ces munitions en toute impunité. Il n’y avait rien de particulier à signaler.A part quelques munitions », a-t-il expliqué. « Même si le bilan n’a pas été énorme, quelques munitions ramassées. La règle a été respectée. Et mes capitaines de compagnie savait que c’était une de mes principales préoccupations », a-t-il ajouté.

Mais à la question de savoir comment le GCP a pu néanmoins se constituer un stock illicite de munitions, l’ex-colonel a répondu qu’il commandait « huit compagnies » et qu’il n’avait « ni le temps, ni la possibilité » de faire des contrôles lui-même. « Et quand un capitaine me dit droit dans les yeux qu’il n’y a pas de problème, je le crois », a-t-il affirmé. S’il avait su, il aurait « très fortement » sévi car, selon lui, « la punition n’exclut pas le respect. »

Pour autant, il n’en veut pas à ses subordonnés. « Ces hommes, je mettrais ma vie entre leurs mains. Si, aujourd’hui, il me fallait un garde du corps, je choisirais Nicolas Vizioz. Moi, ma vie est derrière moi. Mais s’il vous plaît, donnez-leur une deuxième chance », a-t-il lancé.

En revanche, Frédéric Merveilleux du Vignaux en veut à sa hiérarchie. Ainsi, l’enquête de commandement menée juste après la fusillade avait fait état, le concernant, « d’une distance de plus en plus marquée vis à vie de l’organisation de cette démonstration. » Et pour cause, il avait été absent pendant 33 jours pendant ses deux derniers mois de commandement pour cause d’opération extérieure. « Dire que je prenais de la distance, c’est me prendre pour un imbécile. Il m’ont pris pour un imbécile » a-t-il affirmé.

Quant à sa sanction de 30 jours d’arrêt, elle ne lui aurait pas été communiquée directement. « J’ai appris que j’étais sanctionné par voix de presse, ma fille me l’a lue le lendemain matin dans le journal », a-t-il expliqué. « La façon dont mes hommes ont été traités par la hiérarchie est inacceptable. Ils parlent de parias. C’est une réalité », a-t-il encore estimé.

« Je me retrouve ici le plus gradé. Je ne ferai pas de commentaires sur mes chefs, ils n’en valent pas la peine. Oui, je suis responsable humainement. Je me tiens devant vous et revendique cette responsabilité », a poursuivi l’ancien colonel. « Je ne sais pas si j’emploie les bons mots, si je les prononce au bon moment… Faites en sorte d’aider les victimes. J’en ai terminé », a-t-il conclu, en s’adressant au tribunal.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]