En menaçant d’attaquer les Etats-Unis, Pyongyang cherche à faire pression sur la Chine

La Corée du Nord n’en finit pas de multiplier les provocations. Cette fois, ses forces armées ont affirmé avoir obtenu l’autorisation de mettre à exécution les menaces qu’elle a proférées ces jours derniers.

Ainsi, dans un communiqué diffusé le 3 avril par l’agence officielle KCNA, l’état-major général de l’armée nord-coréenne a déclaré informer officiellement les Etats-Unis que « les menaces américaines seront écrasées par des moyens de frappe nucléaire. » Il s’agit ainsi de réagir aux envois récents – et ponctuels – de bombardiers stratégiques B-52 et B-2 de l’US Air Force.

« L’opération impitoyable de (nos) forces armées révolutionnaires a à cet égard été définitivement examinée et ratifiée », poursuit le texte, qui assure également que « le moment de l’explosion s’approche vite » et qu’une « guerre pourrait survenir dans la péninsule coréenne dès aujourd’hui ou demain. » Et d’ajouter : « Compte tenu de cette situation, l’état-major général de l’armée nord-coréenne chargé de toutes les opérations prendra de puissantes contre-mesures militaires pratiques. »

La semaine passée, le régime de Pyongyang avait déjà indiqué avoir mis ses forces armées en ordre de combat et placé ses « unités stratégiques spéciales » en alerte afin de se préparer à de possibles frappes contre des cibles américaines situées dans la région Asie-Pacifique ainsi que sur la côte Ouest des Etats-Unis.

A Washington, le sécrétaire à la Défense, Chuck Hagel, a estimé une nouvelle fois qu’il fallait prendre les menaces de Pyongyang au sérieux. « Les Nord-Coréens disposent maintenant d’une capacité nucléaire et balistique et ils augmentent leur dangereuse rhétorique belliqueuse (…), cela pose un grave et réel danger, et cela constitue une menace pour les intérêts des alliés des Etats-Unis dans la région », a-t-il affirmé, en marge d’un discours prononcé à l’Université de la Défense nationale (NDU).

« Face à la multiplication des provocations nord-coréennes, les Etats-Unis ont eu une réponse mesurée, responsable et sérieuse », a ajouté le chef du Pentagone. Ces derniers jours, Washington a en effet annoncé avoir a déployé des systèmes défensifs dans la région, ainsi que, en Corée du Sud, un destroyer lance-missiles et deux avions de combat F-22 Raptor.

Et pour montrer qu’il prend les menaces de Pyongyang au sérieux, le Pentagone a annoncé, également le 3 avril, l’envoi d’une batterie antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) sur l’île de Guam, où 6.000 militaires américains sont affectés. C’est depuis cette base de l’archipel des Marianne qu’ont décollé les B-52 ayant réalisé des missions au-dessus de la Corée du Sud, le mois dernier.

En service depuis 2008 au sein de l’US Army, le système THAAD a été développé pour intercepter des missiles balistiques de moyenne portée lors de la dernière phase de leur vol.

« Les Etats-Unis restent vigilants face aux provocations nord-coréennes et se tiennent prêts à défendre le territoire américain, nos alliés et nos intérêts nationaux », a expliqué le Pentagone, par voie de communiqué. Cela étant, si Washington affirme prendre au sérieux les menaces de Pyongyang, il n’en reste pas moins que les capacités nucléaires et balistiques nord-coréennes restent relativement limitées.

Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un seul lancement réussi d’une fusée ne garantit pas la maîtrise des technologies nécessaires pour concevoir un missile balistique intercontinental. Quant à la bombe nucléaire, la Corée du Nord a procédé à trois essais d’une arme de cette nature, le dernier ayant eu lieu seulement en février dernier. Et pour pouvoir en monter une sur un missile, encore faut-il pouvoir la miniaturiser. Là encore, il est improbable que les ingénieurs nord-coréens aient franchi cette étape.

Aussi, la menace d’une guerre nucléaire agitée par Pyongyang est improbable. L’on peut cependant estimer que les forces nord-coréennes aient la capacité de dissiminer des substances radioactives, bactériologiques et chimiques… Et le risque d’un conflit armé n’est toutefois pas à écarter. Il suffirait, par exemple, d’un incident frontalier entre le Nord et le Sud pour mettre le feu aux poudres.

Cependant, les raisons qui poussent le régime de Pyongyang et son jeune chef, Kim Jong-un, à se radicaliser ne se résument pas seulement par l’hostilité à l’égard de Séoul et des Etats-Unis. Il faut les trouver aussi et surtout dans l’évolution du contexte politique régionale, avec l’arrivée au pouvoir de dirigeants moins souples vis-à-vis de la Corée du Nord. C’est ainsi le cas en Corée du Sud, avec l’élection récente de la présidente Park Geun-hye, au Japon avec la nomination du conservateur Shinzo Abe au poste de Premier ministre ainsi qu’en Chine, avec le renouvellement des dirigeants du Parti communiste chinois.

D’ailleurs, signe de ce changement, Pékin a récemment voté les sanctions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies à l’encontre de Pyongyang suite à son dernier nucléaire. Seulement, le régime nord-coréen ne peut se maintenir que grâce à l’aide apportée par la Chine, qui reste son plus proche allié. Et cela pour une raison stratégique : actuellement, la Corée du Nord constitue une zone tampon entre le territoire chinois et les forces américaines stationnées en Corée du Sud. Aussi, en durcissant le ton contre les Etats-Unis, il est probable que Kim Jong-un entend marchander cette position auprès des dirigeants chinois et les amener ainsi à un peu plus de considération.

En outre, les menaces d’attaques contre Séoul et les intérêts américains conduisent Washington à se renforcer militairement dans la région. Et cela s’est déjà traduit par un renforcement du bouclier antimissile sur la côte Ouest des Etats-Unis. Et là, les forces de frappes nucléaires russes et chinoises sont tout autant concernées que Pyongyang. Seulement, ce jeu est dangereux car il consiste à approcher une allumette le plus près possible d’un baril de poudre…

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