La malchance du commando qui a tenté de libérer Denis Allex en Somalie
L’on en sait un peu plus sur l’échec de la tentative du Service Action de la Direction générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) pour libérer l’un des siens – Denis Allex, le pseudonyme d’un adjudant-chef – alors retenu en otage depuis juillet 2009 par les islamistes du mouvement Shebab, en Somalie.
Certains ont pu – et ce n’est pas à leur honneur – gloser sur l’échec du commando français. L’on peut mettre autant de moyens que possible, préparer minutieusement et au millimètre près chaque détail d’une opération et échouer à cause d’un coup du sort, de l’évènement imprévu.
Il suffit d’un rien pour qu’une opération soit un succès ou un échec. Le raid des Navy Seals américains contre la maison de Ben Laden au Pakistan a été une réussite. Mais n’oublions pas que l’affaire aurait pu très mal tourner après l’accident d’un des hélicoptères mobilisés pour l’occasion…
La tentative de libérer Denis Allex a été longuement préparée, mûrie. D’après l’hébdomadaire Le Point, qui a donné de nouveaux détails sur cette opération dans sa dernière édition, l’otage a été repéré à la fin de l’été dernier, probablement avec le concours des services de renseignement américains.
Des repérages dans le secteur de Bulomareer, une localité située non loin de la côte, sont alors effectués par des agents du SA, lesquels confirment la présence de leur camarade. Ce dernier est retenu dans une maison en pisé, sans étage, avec un toit en tôles ondulées. Un porte donne sur une cour, entourée par des murs. La population semble ignorer la présence d’un otage français dans les parages.
Devant les revendications extravagantes des miliciens shebabs, l’idée d’une opération d’exfiltration de Denis Allex, dont les conditions de détention sont « épouvantables », s’impose. Le président Hollande donne alors son accord pour les préparatifs.
Mais pour que la DGSE puisse exfiltrer son sous-officier, il lui faut des moyens qu’elle n’a pas, alors que l’opération envisagée est sans doute l’une des plus compliquée qu’elle n’a eu jusqu’à présent à planifier. L’Etat-major des armées va les lui fournir.
Au Centre parachutiste d’instruction spécialisée (CPIS) de Perpignan, les commandos du SA préparent l’assaut qu’ils donneront. La maison où est retenu leur camarade est reproduite en trois exemplaires, l’un d’eux sera installé dans le radier du Bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, dont l’équipage est laissé dans l’ignorance de ce qu’il se prépare.
Le navire, placé en « Incon Rouge » (c’est à dire que les communications sont coupées) embarque à son bord 2 hélicoptères Caracal de la DGSE, ainsi que deux autres appareils du même type appartenant au Commandement des opérations spéciales (COS). Ce dernier founit également 2 hélicoptères d’attaque Tigre.
Quelques jours avant le 11 janvier, date retenue pour l’opération car elle correspond aux conditions optimales, des répétitions ont lieu à Djibouti. Il s’agit alors d’établir les distances à partir desquelles les hélicoptères ne seront pas entendus à Bulomareer et de s’entraîner, une dernière fois, aux approches par la mer.
Le 10 janvier, le président Hollande donne son feu vert. Et tout s’enchaîne. Dans les airs, les Etats-Unis mettent à la disposition des Français au moins deux avions, dont probablement un AC-130 Gunship. Les 40 commandos du SA sont alors déposés par hélicoptère à 9 km de leur zone d’intervention, qu’ils atteignent, sans avoir été repérés, au bout de 3 heures de marche.
Tout se passe bien jusqu’au coup du sort. Près du mur de la maison où est retenu Denis Allex, un commando trébuche sur une boule de chiffon, qui est en fait un milicien shebab endormi. Que faisait-il là? Pourquoi n’était-il pas près du portail s’il devait surveiller l’entrée? Toujours est-il qu’il a le temps de donner l’alerte en hurlant avant d’être abattu.
Un sergent-chef de 40 ans, qui avait retardé son départ du SA pour participer à l’opération, déploie en quelques secondes une échelle téléscopique pour gravir le mur. Une fois dans la cour, il se précipite pour ouvrir le portail afin de permettre à ses camarades d’entrer. Il n’en aura pas le temps : il est tué par les gardiens des lieux. Sa dépouille sera exhibée par les jihadistes somaliens sur Twitter quelques jours plus tard.
Ces derniers comprennent alors qu’un raid est en cours pour libérer leur otage, qu’ils n’hésitent pas à l’assassiner. Pour les commandos français, la situation se complique : ils doivent faire face à une forte opposition. Et contrairement aux renseignements dont ils disposaient, leurs adversaires sont dotés d’armes de gros calibre.
Pour couvrir la retraite des hommes du SA, les hélicoptères sont obligés d’intervenir. Au final, 4 d’entre eux seront gravement blessés, dont le capitaine Rebout, qui décédera à bord du BPC Mistral. Le bilan aurait pu être encore plus lourd sans l’efficacité des médecins du bord qui réussiront à sauver les trois autres militaires. Quant aux shebabs, ils compteront 17 tués dans leurs rangs.