Les forces spéciales suisses ont-elles été déployées au Mali?

Le conseiller national (UDC) Lukas Reimann est sûr de lui, au point de lancer une « interpellation urgente » à l’exécutif hélvète. Selon ce parlementaire, des militaires suisse du Détachement de Reconnaissance de l’Armée (DRA) 10 (forces spéciales, ndlr) ont été envoyés au Mali de janvier à mars au sujet de la présence, de janvier à mars, des forces spéciales suisses au Mali.

Pour étayer ses propos, Lukas Reimann s’appuie sur des photographies de ce soldats prises au Mali données par un informateur. « Je n’aurais pas déposé une telle interpellation si je ne m’étais pas entretenu avec quelqu’un qui a été partie prenante dans cet engagement » », a-t-il fait valoir dans les colonnes du quotidien TagesAnzeiger.

Et même s’il a pris le soin de préciser que la mission des hommes du DRA 10 a seulement consisté à protéger l’ambassade et les diplomates suisses, cela n’a pas empêché un autre parlementaire, Hans Fehr, (UDC), qui plus est membre de la commission de la politique de sécurité du Conseil national, d’affirmer que « le conflit au Mali est mené par la France » et que « c’est un problème qui regarde une puissance étrangère et en aucun cas la Suisse. »

A priori, cette affaire semble être une tempête dans un verre d’eau. La recherche de renseignement et l’assistance ainsi que la protection « au profit des autorités civiles à l’étranger » sont des missions dévolues justement au DRA 10. Que ce dernier ait été envoyé à Bamako alors que les groupes jihadistes avaient lancé une offensive vers le sud du Mali le 11 janvier dernier n’a, en soit, rien de choquant. D’ailleurs, il est déjà engagé depuis 2012, et à cette fin, en Libye.

Sauf que, selon la loi, le gouvernement suisse n’est pas autorisé à décider seul d’envoyer des soldats à l’étranger pour des missions de plus de 3 semaines. Le cas échéant, il doit en informer le Parlement. Ce qui, si les affirmations de Lukas Reimann sont vraies, n’a pas été le cas.

Seulement, le Département fédéral de la Défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), a opposé un démenti aux propos du conseiller national. De même que le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). « Il n’y a pas de soldats suisses qui protègent l’activité des diplomates ou des membres de la coopération dans ce pays », a assuré son porte-parole, Jean-Marc Crevoisier.

Ancien chef de l’armée suisse (2004-2007), Christophe Keckeis n’a pas pris de gants contre les affirmations de Lukas Reimann. « Je pense qu’il y a une confusion entre les pays », a-t-il déclaré. « Pour un UDC la Libye et le Mali c’est peut-être la même chose », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter, en mode ironique : « C’est des gens qui travaillent avec une carte au 50:000 plutôt qu’avec le globe terrestre. Cela leur arrive de mélanger les pays. »

« Cette idée est stupide et je pense que M. Keckeis ne devrait pas se laisser aller à de telles déclarations », a réagi Lukas Reimann, qui est sûr de son fait.

Des rumeurs sur les engagement du DRA 10 ont circulé ces dernières années. Ainsi, il a été dit qu’il avait été envoyé en Irak et qu’un de ses soldats y avait même été blessé. Ce qu’avait démenti, à l’époque, le DDPS.

Discrète, l’existence de cette unité a même été un temps menacée, faute de missions autre que celles consistant à protéger les ambassades, tâche qui fut notamment déléguée à des sociétés militaires privées en Libye. Il avait été envisagé de la faire participer à la mission européenne de lutte contre la piraterie Atalante, aux côtés des forces françaises, ce que le Parlement suisse a refusé, en 2010.

Même sa capacité à protéger les emprises diplomatiques à l’étranger a été mise en doute, en raison de son manque de moyens logistiques. « Sans avion militaire de transport, sans moyens de déplacement propres sur place et sans expérience sur le terrain, les forces spéciales suisses seront tributaires des spécialistes étrangers. De plus, on les voit mal intervenir en sachant qu’en cas d’utilisation de leurs armes le parlement se retournera immanquablement contre elles », avait souligné le quotidien Le Temps.

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