Le Drian : « Faisons en sorte que notre capacité d’intervention soit préservée »

Invité, le 4 mars, de l’émission « Mots croisés », sur France2, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a estimé que son ministère « doit contribuer au redressement des comptes publics, ni plus, ni moins. »

Le lendemain, sur les ondes de RMC, et après avoir longuement évoqué la situation au Mali, M. Le Drian est revenu sur la question des ressources allouées aux forces françaises alors que la publication du prochain Livre Blanc est imminente.

Comme il l’avait fait la veille, le ministre a tenu à rappeler l’équation qu’il faut résoudre. L’enjeu est en effet de répondre à deux « contraintes de souveraineté ». La première est que « la France tienne son rang, qu’elle puisse assumer ses responsabilités comme elle le fait aujourd’hui au Mali. » Et M. Le Drian de souligner que « peu de pays sont à même de faire ce que fait la France » contre les groupes terroristes implantés au Sahel.

« L’autre nécessité de souveraineté, a poursuivi le ministre, est que la France ait la maîtrise de ses propres finances, qu’elle se désendette parce qu’un pays endetté n’a pas de souveraineté. » D’où l’énoncé de l’équation à résoudre : « faire en sorte que l’effort de défense soit maintenu et que la défense contribue aussi comme les autres (…) à la maîtrise de nos dépenses » publiques. Et il y a une difficulté supplémentaire : il n’est pas question de toucher aux deux composantes de la dissuasion, comme certains l’ont suggéré, le président Hollande s’étant engagé sur la « nécessité de (les) maintenir. »

A la question de savoir si le budget de la Défense va baisser au cours des prochaines années, M. Le Drian a répondu qu’il n’était pas « en mesure de le dire ». « Je défends le budget de la Défense car je considère qu’il est indispensable pour notre avenir » a-t-il fait valoir.

« Faisons en sorte que notre capacité d’intervention soit préservée », a-t-il ajouté. « Le président de la République est conscient de la qualité de nos interventions, de notre défense et il est aussi en responsabilité de faire en sorte que la France tienne son rang, y compris en termes financiers », a avancé M. Le Drian, qui est par ailleurs un proche du chef de l’Etat.

Après avoir rappelé que la trajectoire financière définie par la Loi de Programmation Militaire 2009-2014, basée sur les recommandation du Livre blanc sur la défense de 2008, qu’il a, au demeurant, qualifié « d’encourageant » au moment de sa parution, n’avait pas pu être suivie à cause de la crise économique, le ministre a expliqué que le prochain devait être « adapté » à la situation (…) dans laquelle nous sommes aujourd’hui. »

« Il faudra faire des choix », a-t-il poursuivi. « Sur les matériels, sur un certain nombre d’objectifs, sur la durée, sur les échéanciers, pour retarder (…) des programmes, peut être en avancer d’autres », comme par exemple celui des drones, lesquels font défait actuellement. En revanche, M. Le Drian n’a pas indiqué s’il était question d’une nouvelle réduction du format des forces.

Pourtant, si l’on en croit le quotidien Les Echos, ce serait bel et bien un des scénarios à l’étude, avec la mise en place d’un modèle d’armée appelé « Y ». Ce dernier consisterait à réduire les effectifs de 18.500 personnels (après les 54.000 postes supprimés sur la période 2008-2014), de se passer de deux frégates, de porter le nombre d’avions de combat à 225 au lieu de 300 et de dissoudre 2 brigades de l’armée de Terre, dont une blindée. L’avantage de cette formule serait qu’elle permettrait de conserver des capacités clés. Seulement, son financement n’est pas encore garanti.

Cela étant, les marges de manoeuvres sont extrêmement étroites. Lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées, en novembre dernier, le général Georgelin, l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), avait estimé qu’avec « 1,5% du PIB consacré à la défense, première mission de l’Etat, nous sommes déjà un point historiquement bas. En d’autres termes, la défense a déjà été largement mise à contribution. » Et de souligner que « chacun a présent à l’esprit la performance du ministère dans la révision générale des politiques publiques (RGPP), en comparaison avec les autres départements ministériels. »

« La dépense publique, en France, représente 56 % du PIB. Quand on enlève 1,5 % pour la défense, il reste 54,5 %. Sans doute y a-t-il, dans cette masse, des marges de manœuvre à explorer », avait-il ajouté. Quelques mois plus tôt, son successeur, l’amiral Edouard Guillaud, avait relevé, devant cette même commission, que la Force océanique stratégique (FOST) comptait 3.200 marins, un nombre « équivalent à celui des agents municipaux d’une ville comme Montpellier », que la RATP et l’armée de l’Air avaient autant de personnels et que le groupe PSA pesait « deux fois plus que l’armée de Terre » en terme d’effectifs.

Qui plus est, quand il est dit que la Défense doit contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, il faut avoir à l’esprit plusieurs données. La première est que les armées restent le premier employeur national, avec le recrutement, pour la seule armée de Terre, de 10 à 15.000 jeunes non qualifiés par an.

Grâce à son budget dédié aux équipements, qui représentent 70% des investissements de l’Etat, elle soutient un secteur industriel qui représente plus de 300.000 emplois (directs et indirects) non délocalisables et qui a réalisé 6;5 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’exportation en 2011. Et cela ne peut pas faire de mal aux finances du pays.

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