L’achat des BPC Mistral critiqué en Russie

Maintenant que le ministère russe de la Défense a changé de titulaire, avec le remplacement d’Anatoli Serdioukov, impliqué dans une affaire de corruption, par Sergueï Choïgou, il semble de moins en moins question d’acquérir du matériel militaire à l’étranger et les achats qui avaient été faits sous la présidence de Dmitri Medvedev auprès de pays appartenant à l’Otan sont dorénavant critiqués.

« En ce qui concerne l’équipement étranger, je ne veux offenser personne, mais nous avons besoin de soutenir notre industrie. Il faut donc être à la hauteur et répondre aux exigences », a déclaré Sergueï Choïgou, lors d’un entretien accordé à Rossiya TV, le 26 janvier dernier.

Ainsi, le contrat portant sur la livraison de VTLM Lince (Light Tactical Multirole Vehicle) italiens Lince par Iveco a du plomb dans l’aile. Le commandant en chef des forces terrestres russes, le génétal Vladimir Tchirkine, a en effet annoncé, le 23 janvier, qu’il n’y aurait pas de nouveaux achats. Selon lui, si ce blindé n’est « pas mauvais, ses caractéristiques sont aucun doute inférieures à celles du Tigre de fabrication russe. »

Idem pour les véhicules Centauro produits par l’industriel italien Oto Melara. Deux exemplaires avaient été livrés à la Russie à des fins d’essais en 2012. « Ces blindés sont certains avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients. Je crois que l’on va vers un refus poli » a affirmé le général Tchirkine.

Et les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) de type Mistral ne sont pas épargnés par les critiques, lesquelles sont parfois bizarres… Quand l’on veut tuer son chien, l’on dit qu’il a la rage… Pour rappel, la Russie a commandé deux exemplaires de cette classe de porte-hélicoptère en 2011, avec deux autres en option.

Le premier navire, le Vladivostok, est en cours de construction à Saint-Nazaire, au chantier naval STX France et doit être livré en 2014, tandis que le second, le Sebastopol, le sera l’année suivante.

Déjà, en décembre dernier, il a été avancé que Moscou déciderait finalement de ne pas lever l’option d’achat des deux autres BPC, lesquels devraient être construits par un chantier naval russe. Pour le moment, cette information n’a pas été confirmée.

Cela étant, l’un des premiers à ouvrir le feu contre l’achat des BPC est Ivan Kharchenko, le vice-président de la commission militaro-industrielle. Et il n’y est pas allé par quatre chemins. « Nous avons discuté de l’absurdité de cette décision. Il s’agissait d’une initiative de Serdioukov. Ce n’est pas le seul dégât qu’il a provoqué au gouvernement et à l’industrie », a-t-il affirmé à ce sujet, le 24 janvier.

Qui plus est, un rapport remis récemment à cette commission militaro-industrielle a fait part de doutes au sujet des transferts de technologie, en particulier ceux concernant le système de commandement SIC 21 et celui de gestion de combat SENIT 9 (Système d’informatisation de la situation tactique). « S’agit-il de les livrer dans leur version complète ou réduite et dans ce dernier cas, de quelle réduction est-il question? Les équipements seront-ils remis comme des « boîtes noires » ou révèlera-t-on leur algorithme, transférant ainsi réellement les technologies? » se sont interrogés les auteurs de ce document.

Mais le plus actif pour critiquer l’achat des BPC est Dmitri Rogozine, le vice-Premier ministre en charge des question de défense. Même si les navires en question seront modifiés afin de satisfaire aux besoins exprimés par la marine russe, ce responsable a affirmé, le 27 janvier, que les Mistral ne peuvent pas naviguer dans des conditions de très basses températures.

« Il est très étrange que des bâtiments, supposés débarquer une force par nos latitudes, ne puissent être mis en œuvre par des températures inférieures à -7° », a-t-il affirmé, lors d’une rencontre à l’Académie des Sciences Militaires. « [les concepteurs français] ont peut-être imaginé que nous allions opérer en Afrique, ce qui a peu de chance d’arriver », a-t-il encore ironisé.

Et le même Dmitri Rogozine n’en est pas resté là en affirmant, le 5 février, que les carburants russes ne sont pas adaptés aux BPC français. « Il se peut que nos spécialistes en chimie mettent au point des dispositifs spéciaux afin de contourner ce problème », a-t-il avancé.

Auparavant, un expert russe avait expliqué que l’exploitation des BPC Mistral exigeait environ 50 sortes d’huiles et de combustibles de facture européenne que l’on ne trouve pas en Russie. L’on pourrait cependant penser que, si cela est exact,  ceux qui négocièrent  le contrat étaient au courant. A noter que les navires en question sont construits selon des normes civiles…

Plus tard, Dmitri Rogozine a cherché à rectifier le tir, en évoquant des propos « mal interprétés. » Il a ainsi indiqué que certains problèmes liés aux BPC, dont celui du carburant, seraient évoqués lors de consultation franco-russes pour la coopération militaire et technique les 14 et 15 février prochains.

« Je voudrais souligner une fois de plus que la Russie s’acquittera indiscutablement de tous ses engagements selon les contrats déjà signés, aussi nos amis français ne doivent-ils pas avoir peur, au moins concernant les navires en construction sur les chantiers navals français », a-t-il assuré.

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