Le monde tel qu’il pourrait être dans 20 ans

Comment sera le monde dans 20 ou 30 ans? L’on ne peut pas répondre catégoriquement à cette question pour la simple et bonne raison que les incertitudes ne manquent pas. Cela étant, l’on peut dégager quelques tendances à partir de la situation mondiale actuelle et faire des déductions.

C’est le travail qu’a réalisé en 2012 la Délégation aux Affaires stratégiques (DAS). Cet exercice, aussi limité soit-il, est d’autant plus important que l’on parle d’établir un Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale pour les 15 prochaines années.

Ainsi, le rapport de la DAS a identifié 3 tendances liées entre-elles: la fin de la domination occidentale, l’accélération de la mondialisation et une instabilité ainsi qu’une volatilité de plus en plus marquées.

« En 2040, la page de la Pax Americana devrait être tournée » y est-il écrit. Si les Etats-Unis resteront une puissance de premier plan, leur prédominance sera de plus contesté par la Chine, notamment sur le plan économique. Pour la DAS, les relations entre ces deux pays « seront structurantes (…) avec des conséquences mondiales en cas de tension. » Quoi qu’il en soit, l’intérêt de Washington se concentrera davantage sur la zone Asie-Pacifique aux dépens d’une Europe qui pourrait fort bien disparaître des écrans radar.

Car le déclassement du Vieux Continent est un risque réel, notamment en raison de sa stagnation démographique, de ses perspectives économiques plombées par la dette, une productivité insuffisante et la faiblesse des investissements. Aussi, les pays européens pourraient être tenté par un repli sur eux-mêmes, sans compter que ces difficultés sont de natures à provoquer des tensions sociales, comme on l’a déjà vu en Grèce ou en Espagne. La conséquence prévisible – qui est d’ailleurs déjà identifiée – est un déclin des capacités militaires européennes.

Une puissance américaine contestée, une Europe en panne… Tout cela fera le miel des pays émergents, qui représenteront à l’horizon 2040 près de 60% du PIB mondial. Toutefois, rien n’est évidemment figé dans le marbre, car des incertitudes planent sur leur potentiel de croissance économique.

Ce basculement devrait donner lieu à des « recompositions » pouvant « entraîner l’avènement d’un système multipolaire, ou plus probablement oligopolaire, structuré autour de pôles régionaux ou fondé sur des alliances pragmatiques, à géométrie variable selon les intérêts en jeu » estime la DAS.

Et cela pourrait conduire à un risque de « vide stratégique » et « d’extension des zones de fragilité » si les puissances occidentales réduisent par la force des choses leur niveau d’engagement sans « que le relais soit pris par des puissances émergentes responsables. » Cela déboucherait sur un « vide de pouvoir » et « laisserait le champ libre aux acteurs internationaux – étatiques et non-étatiques – perturbateurs », et donc, à davantage d’instabilité.

Les régions où des conflits pourraient survenir « prioritairement à la jonction des différentes sphères d’influence », notamment là où des intérêts particuliers seront en jeu, comme par exemple l’accès à des ressources naturelles ou à des matières premières rares.

La région de la Caspienne, l’Asie centrale et le continent africain seront plus particulièrement concernés. « L’Afrique restera une zone de convoitises et de confrontations potentielles et une zone d’intérêt stratégique prioritaire pour la France. Le creusement des inégalités et l’instrumentalisation identitaire, en particulier dans des États fragiles, pourraient favoriser le développement de l’islamisme radical et de la menace terroriste (Sahel, Corne), dont la France constituera une cible particulière » note ainsi le rapport de la DAS.

De même que les zones par où passent les principaux « flux d’échanges », notamment en Asie et au Moyen Orient, seraient menacées. Qui plus est, un autre danger est la multiplication des Etats fragiles, voire « faillis », c’est à dire incapables de maîtriser des organisations criminelles et terroristes. Pour la DAS, ces « menaces deviendront structurantes dès lors qu’elles affecteront des points stratégiques, notamment en matière de transit des ressources énergétiques. »

Par ailleurs, la mondialisation accentue encore certaines menaces générées par des Etats « perturbateurs » mais aussi et surtout des acteurs non-étatiques. C’est le cas de la prolifération des armes de destruction massive (chimiques, bactériologiques, nucléaires et radiologiques), qui « continuera d’être facilitée par le développement des échanges et par diffusion de connaissances et de technologies souvent duales. »

Et la DAS de souligner que « le risque d’emploi » de ces armes pourrait « augmenter » en raison d’une possible escalade entre deux puissances nucléaires ou encore à cause de l’acquisition de ce type d’armement ou de technologies par « un nombre croissant d’acteurs étatiques, y compris à faible capacité et/ou par des acteurs non étatiques, notamment les groupes terroristes. »

Au sujet du terrorisme, le rapport estime qu’il continuera à prospérer à cause des déséquilibres économiques et sociaux et de la défaillance de certains Etats. Quant au jihadisme, il « pourrait perdre la centralité stratégique » acquise au lendemain des attentats du 11 septembre 2011 et cette idéologie servirait à masquerles activités criminelles des groupes qui s’en réclament.

D’ailleurs, la criminalité organisée, grâce à la mondialisation, aurait de beaux jours devant elle, que ce soit avec le trafic d’armes, de drogues et d’être humains ou encore le piratage, qu’il soit maritime ou informatique.

Enfin, autre élément intéressant évoqué par la DAS : l’évolution de la Russie. Déjà, Moscou ne voit pas d’un très bon oeil l’adhésion à l’Otan de pays qui faisaient autrefois partie de sa sphère d’influence. Et ce n’est sans doute pas fini si « à la faveur du développement d’une politique orientale » allemande « renouvelée », l’Ukraine et la Biélorussie se décident à engager « un rapprochement de fond avec l’Union européenne. » En Asie centrale, l’influence russe est contestée par la Chine, qui pourrait devenir, à terme, le principal partenaire économique et politique des pays de la région.

« Dans ces conditions, est-il écrit dans le rapport, le sentiment d’encerclement et d’affaiblissement de son influence pourraît croître en Russie et provoquer des réactions politiques brutales. »

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