Jean-Bernard Lévy nommé à la tête de Thales

Lorsqu’il est arrivé à la tête de Thales, en mai 2009, Luc Vigneron, venu du Nexter, a trouvé une situation délicate, avec, cette année-là, une perte de 202 millions d’euros et des perspectives plombées par la baisse (déjà) des dépenses militaires européennes, la faiblesse de la monnaie européenne face au dollar et le ralentissement annoncé du trafid aérien.

Quelques mois plus tard après sa prise de fonction, et s’appuyant sur la richesse du portefeuille technologique de Thales, Luc Vigneron a lancé le plan Probasis afin notamment de dégager un gain de productivité de 1,3 milliard d’euros sur cinq ans et d’augmenter la marge opérationnelle du groupe pour la porter au même niveau que ses concurrents. D’où la mise en place d’une nouvelle organisation, plus simple, pour arriver à ce résultat.

Trois ans plus tard, et après deux exercices dans le rouge, le groupe d’électronique de défense a pu afficher un résultat net de 566 millions d’euros pour l’année 2011, soit un montant supérieur aux attentes des analystes financiers, ainsi qu’un carnet de commandes en progression de 1%, à 25,8 milliards d’euros.

Ces bons chiffres ont d’ailleurs bien arrangé Dassaut, qui, actionnaire à hauteur de 26% de Thales, a pu présenter un bénéfice pour l’année 2011 de 407 millions d’euros (+10%).

Quoi qu’il en soit, Luc Vigneron a toujours été fortement contesté en interne. En février 2011, des rumeurs ont indiqué qu’il avait été « lâché » par l’Etat en raison de son refus de faire monter Thales au capital de DCNS et des difficultés du groupe à parvenir à un accord avec Safran au sujet d’échanges d’actifs pour former une filière optronique unique.

Qui plus est, à la même époque, la gestion de Luc Vigneron avait été sévèrement critiquée dans un « courrier », lequel pointait une position « affaiblie chez les clients du groupe, des engagements « non honorés » et de marchés devenus définitivement « inacessibles ».

Ce procédé n’avait pas manqué de faire réagir Charles Edelstenne, alors PDG de Dassault Aviation. « J’ai été très choqué par les comportements indignes et les pratiques de délation vis-à-vis de la présidence de cette entreprise. Il faut savoir que notre entrée dans la société et la nomination qui en a résulté se sont faites contre l’avis du management de l’époque et que celui-ci n’a pas désarmé depuis » avait-il affirmé avant de critiquer les anciens dirigeants du groupe, écartés depuis.

Cela étant, la position de Luc Vigneron est devenue intenable, notamment en raison de la contestation de sa gestion par l’intersyndicale CFDT, CGT et CFE-CGC et du changement de majorité.

« Quand on lit la presse, on entend parler de blocage social dans la maison Thales, c’est un propos simplement outrancier. La réalité des faits, c’est que trois organisations représentatives sur les quatre que compte Thales, ont refusé à deux reprises une réunion de dialogue (…). C’est une péripétie qui n’a rien d’extraordinaire dans une maison qui se transforme » s’était-il défendu devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées, dans le cadre de son audition concernant le prochain Livre blanc.

A cette occasion, il avait rappelé que Thales ne prévoyait de fermeture d’usines, qu’il n’y avait pas de plans de licenciements et que la politique salariale se situait dans la moyenne nationale.

Malgré ces arguments, Luc Vigneron a finalement été lâché par Dassault Aviation, Charles Edelstenne ayant évoqué un « changement de gouvernance » lors d’une récente intervention à l’Assemblée nationale. Restait donc à désigner son successeur. Ce qui est désormais chose faite, après un accord entre l’Etat et le constructeur aéronautique sur le nom de son remplaçant.

Et c’est Jean-Bernard Lévy, l’ancien président du directoire du groupe Vivendi, qui a ainsi été choisi pour diriger Thales. Cela étant, il n’est pas certain que les syndicats soient satisfaits étant donné qu’ils auraient préféré que ce choix se fasse en interne.

Mais cette affaire pose une question, d’ailleurs soulevée par le site économique LaTribune.fr, sur le rôle de la filière EDF dans cette nomination, « sachant que François Roussely, très introduit dans le gouvernement actuel, a été actif tout comme l’actuel PDG, Henri Proglio, quant à lui très proche de Serge Dassault. »

Sans oublier les anciens de l’électricien, comme Cédric Lewandowski, le directeur de cabinet du ministre de la Défense, et Yannick d’Escatha, actuel président du CNES et du comité de nomination du conseil d’administration de Thales, lequel a « étrangement » tenu ses auditions au siège d’EDF.

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