Un officier fusillé pour désertion en 1914 sera réhabilité

Le ministre délégué aux Anciens combattants, Kader Arif, a annoncé lors d’un entretien accordé au quotidien La Croix, qu’il a été décidé d’attribuer la mention « mort pour la France » au sous-lieutenant Jean-Julien-Marie Chapelant, fusillé en octobre 1914 après avoir été accusé de désertion.

« Les fusillés ont toute leur place dans l’histoire de notre nation, ainsi que l’ont rappelé Lionel Jospin en 1998 et Nicolas Sarkozy en 2008. Il nous appartient aujourd’hui de poursuivre ce travail de mémoire » a-t-il affirmé.

En novembre 1998, à Craonne, Lionel Jospin, qui était alors Premier ministre, avait suscité la polémique en déclarant que les mutins devaient « réintégrer aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. » A l’époque, le président Jacques Chirac avait jugé cette déclaration « inopportune. »

L’an passé, le président Sarkozy, au sujet des mutins, avait déclaré : « Tous furent des héros, même ceux qui, après avoir affronté avec un courage inouï, les plus terribles épreuves, refusèrent un jour d’avancer parce qu’ils n’en pouvaient plus. » Mais trois ans plus tôt, à Douaumont, il s’était montré plus prudent en affirmant que « beaucoup » de soldats français « exécutés ne s’étaient pas déshonorés ».

Ce qui serait le cas du sous-lieutenant Chapelant, alors chef de la 3e section de mitrailleuses du 98ème Régiment d’Infanterie (RI) au début de la Première Guerre Mondiale.

Engagé volontaire au 99ème RI en 1909, Jean-Julien-Marie Chapelant fut rapidement nommé caporal, puis sergent. Réengagé en décembre 1911, cette fois au 98e RI, il avait été promu au feu au grade de sous-lieutenant à titre temporaire.

Mais, le 7 octobre 1914, après une semaine de combats dans les environs de Beuvraignes, dans la Somme, il fut capturé par l’ennemi. Malgré une blessure à la jambe, il parvint à s’échapper et à rejoindre les lignes françaises.

Seulement, son chef de corps, le lieutenant-colonel Didier, considérant qu’il avait déserté, le fit traduire devant un conseil de guerre spécial, lequel le condamna à mort pour « capitulation en rase campagne. » Le sous-lieutenant Chapelant, dont l’histoire inspirera le film « Les sentiers de la gloire » de Kubrik, sera fusillé le 11 octobre.

Le père de l’officier tentera par la suite de le faire réhabiliter, ce que la Cour suprême de justice militaire refusera de faire après avoir examiné son dossier en juin 1934.

Selon les travaux du général André Bach, ancien chef du Service historique de l’armée de Terre (SHAT) de Vincennes, 650 soldats sur les 800 fusillées ont été passés par les armes après une condamnation à mort prononcée par des conseils de guerre pour désertion, mutinerie, refus d’obéissance ou crimes de droit commun.

Environ 2/3 des exécutions ont eu lieu au cours des 17 premiers mois de la guerre. « Durant le seul mois d’octobre 1914, une soixantaine de soldats ont été fusillés » a précisé le général Bach, dont les propos ont été rapportés par l’AFP. Après la guerre, une cinquantaine de fusillés ont été finalement réhabilités, dont une trentaine par le Cour suprême de justice militaire, en 1934.

Ira-t-on, comme certains le souhaitent (Ligue des droits de l’Homme, Fédération nationale de la libre pensée, etc…) vers une réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple? Ce n’est pas si simple.

Tout d’abord, parmi eux, l’on trouve des condamnés de droit commun. Et, comme l’avait souligné le président Giscard d’Estaing en 1998, « s’il y avait eu une révolte généralisée des soldats français, nous aurions sans doute perdu la guerre de 14. Donc, c’est un exemple qui ne pouvait pas être suivi et les autorités de l’époque, civiles et militaires, ont été amenées à prendre des décisions difficiles et, à certains égards, cruelles. »

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