Pour l’amiral Guillaud, le budget 2012 de la Défense marque une rupture « irréversible »

Selon le chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Edouard Guillaud, l’exécution de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2009-2014, établie selon les recommandations du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2008, a été « globalement conforme » jusqu’en 2011, « du moins en ce qui concerne les paiements et donc la livraison des matériels. »

Et de préciser, devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale que les armées ont bénéficié, malgré des « dépenses non programmées », de 98% des ressources attendues, tout en soulignant que les « 2% manquants » réprésentent « 1,9 milliard » d’euros, soit l’équivalent de 10 avions ravitailleurs MRTT.

« Dans le domaine du renouvellement des équipements, nous avons réceptionné quasiment tout ce qui était prévu. Nous avons également commandé une bonne partie des matériels prévus, à l’exception, pour 2011, des programmes nouveaux » a encore indiqué l’amiral Guillaud. Dans le même temps, a-t-il poursuivi, les armées ont atteint leurs objectifs en matière de restructuration dans la mesure où 85% des réorganisations programmées seront réalisées d’ici la fin de cette année et que les suppressions de postes sont même en avance par rapport à ce qui était attendu.

Quant au bilan capacitaire, l’amiral Guillaud a indiqué que le plan de modernisation de la dissuasion nucléaire a été respecté et que la fonction « connaissance et anticipation », priorité du précédent LBDSN, a été « correctement dotée et soutenue dans les arbitrages » malgré les contraintes budgétaires, ce qui n’a toutefois pas permis d’atteindre tous les objectifs, à cause du retard pris dans l’acquisition de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) et de « difficultés techniques ou de coopération » dans d’autres programmes.

« Les fonctions protection et prévention ont été préservées » a encore poursuivi le CEMA, ce qui n’a pas été le cas de la fonction intervention, laquelle « a fait l’objet des arbitrages les plus sévères » alors qu’elle est « emblématique des armées » et que « la densité opérationnelle a été très élevée sur la période. »

Aussi, pour l’amiral Guillaud, « le modèle défini par le Livre blanc de 2008 n’est plus soutenable, malgré les efforts que l’État a consentis pour la défense et ceux des armées pour s’optimiser ». Alors que, depuis 15 ans « l’outil de défense est dimensionné en moyenne à 32 milliards constants en valeur de 2012 », le CEMA souligne que « le nouveau budget triennal programme 29 milliards pour 2015, soit quasiment 10 % de moins. » Et de conclure : « C’est clairement un changement de portage. »

Pour le CEMA, les choses ont commencé à se gâter « dès l’été 2010 », étant donné que « la programmation budgétaire triennale pour 2011-2013 a exercé sur la programmation une pression substantielle », ce qui a conduit à décaler plusieurs programmes d’équipements. « Entre 2010 et 2012, le budget de fonctionnement a été réduit de 7,5 % et l’activité de préparation opérationnelle a diminué progressivement, avec la baisse des crédits d’entretien programmé des matériels sur la période » a-t-il précisé.

Et cela ne s’est pas arrangé puisque le décalage entre la trajectoire financière fixée en 2008 s’est encore accru. « En tenant compte des lois de finances rectificatives et du gel de crédits supplémentaires intervenu en juillet, les crédits de 2012 sont désormais en recul de 1,2 milliard par rapport à l’annuité initialement prévue. Conjugué à l’écart cumulé de 1,9 milliard de la fin de 2011 et sans préjuger des conditions de la fin de gestion de 2012, le recul dépassera les 3 milliards à la fin de l’année » a expliqué l’amiral Guillaud, qui prévoit une « gestion sous tension » avant la fin de cette année.

D’où le constat fait par le CEMA : « En tout état de cause, 2012 marque une rupture, dont nous savons qu’elle est irréversible ».

Alors que la dernière LPM prévoyait pour les armées une augmentation en volume des moyens financiers de 1% par an à partir de 2012, « dans les faits, le budget de la défense diminuera de 4 % en valeur sur la période 2012-2015. » Le résultat est, pour le CEMA, une divergence cumulée de 10 milliards pour 2013-2015, soit « la totalité du programme des six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda. » Et si cette tendance se prolonge, alors « on obtiendra en 2020 un écart de 40 milliards en valeur de 2012, soit 130 % du budget total d’une année. »

Et pour l’amiral Guillaud, « un tel écart n’est pas de l’ordre de l’ajustement » et il impose de « revisiter nos ambitions » étant donné que le budget de la Défense, qui représentait 2% du PIB en 1997 (hors pensions et hors gendarmerie), « dépassera à peine 1,3% » en 2015 alors que cet effort a été maintenu entre 1,6 et 1,7% au cours des 10 dernières années. « Compte tenu de la situation des finances publiques, le modèle en vigueur n’est plus soutenable. Nous devrons donc penser autrement » a-t-il ainsi prévenu.

Ainsi, il faudra « en conséquence repenser nos ambitions », ce qui est le travail de la commission chargée par le président Hollande d’élaborer un nouveau Livre Blanc. Une fois que le cap sera fixé,a ajouté le CEMA, « le ministère de la défense concevra un modèle d’armée adapté à ces ambitions non pas réduites mais revisitées, c’est-à-dire formulées d’une autre façon. » Et de prévenir : « Le défi sera de mettre en œuvre la transition entre la situation actuelle et le modèle qui sera défini au vu des contraintes budgétaires et des rigidités de court ou de moyen terme de nos dépenses. »

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