Quel avenir pour Dassault après l’échec de la fusion EADS/BAE Systems?

L’echec de la fusion de BAE Systems avec EADS laissera immanquablement des traces. Au plan politique d’abord. Les trois pays européens concernés par cette opération sont également ceux qui ont le plus de poids militaire sur le Vieux Continent. Et cette affaire, qui met au jour leur incapacité à s’entendre, laisse à penser qu’ils n’ont pas vraiment envie de travailler ensemble, ou du moins que les logiques nationales prévaudront toujours, malgré les discours sur la nécessité d’une défense européenne.

En clair, le signal donné n’est pas bon et même si le président Hollande a mis en avant une décision des entreprises pour expliquer cet échec, personne n’est dupe. C’est bel et bien au niveau des Etats que l’opération a capoté, notamment à cause de l’Allemagne, qui craignait de voir partir au Royaume-Uni les activités liées à la défense d’EADS, regroupées au sein de Cassidian.

Par ailleurs, cet acte manqué aura également des conséquences économiques et financières. Pour commencer, BAE Systems se retrouve fragilisé. Ayant mis l’accent sur les activités de défense, non sans une certaine réussite au cours de ces dernières années, le groupe britannique doit maintenant faire face aux réductions budgétaires non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis où il avait réussi à prendre pied.

L’échec de son mariage avec EADS en fait maintenant une cible de choix, soit pour un industriel américain (Boeing pourrait être notamment intéressé), soit pour un autre acteur européen, comme par exemple l’italien Finmeccanica, qui a été à deux doigts de se retrouver marginalisé au sein des consortiums MBDA et Eurofighter.

Quant à EADS, ce projet de mariage avorté va obliger le groupe à revoir sa stratégie dans le secteur de la défense. De deux choses l’une : soit il reste sur son objectif d’équilibrer ses activités civiles et militaires, soit, faute de trouver une belle opportunité, il s’en désengage. En attendant, il n’est pas exclu que ses dirigeants freinent le développement de Cassidian outre-Rhin, histoire de faire payer l’attitude du gouvernement allemand.

Quoi qu’il en soit, l’annonce de ce projet de fusion risque fort de pousser à la consolidation de l’industrie de défense européenne, certains ayant senti passer le vent du boulet.

Ainsi, il sera intéressant de voir ce que fera Dassault Aviation dans les mois qui viennent. Les analystes financiers ont été partagés au sujet des conséquences d’une fusion EADS/BAE Systems sur l’avenir du constructeur français. Certains ont pensé qu’il allait se retrouver fragilisé. D’autres, au contraire, ont estimé qu’il resterait incontournable.

Se faisant très rare dans les médias, Laurent Dassault, numéro deux du groupe, a donné quelques éléments de réponse à l’occasion d’un entretien accordé à Décideurs TV et diffusé trois jours avant l’annonce de l’échec de la fusion du constructeur aéronautique européen avec le groupe britannique de défense.

Estimant justement, que le rapprochement en question reposait sur « une logique d’Etat, pas une logique industrielle » et que « ce qui est trop compliqué n’est pas bon », Laurent Dassault n’a donc pas dû être surpris de l’annonce commune faite par EADS et BAE Systems.

Mais le plus intéressant dans les propos de Laurent Dassault reste l’avenir qu’il envisage pour les activités aéronautiques du groupe fondé par son grand-père. Ainsi, il a évoqué un possible regroupement avec Thales, qui est, selon lui, une affaire « magnifiquement menée » par Luc Vigneron, Safran, qui « a un carnet de commandes à perpétuité ou presque » et Zodiac. Cet assemblage pourrait prendre le nom de « France Aerospace ».

« Qu’est-ce qui compte? Ne vaut-il pas mieux d’avoir une continuité (ndlr, de « la grande aventure aéronautique française ») que d’aller à l’échec? » a répondu Laurent Dassault à la question de savoir si sa famille de risquait pas de perdre le contrôle dans une telle opération.

Ce scénario d’un rapprochement de Dassault avec Thales et Safran, deux entreprises où il détient une participation, a été évoqué par un analyste financier parisien, cité par Reuters, le 21 septembre dernier.

Evoquant le possible projet de Safran visant à « dépecer Thales », ce que Dassault ne laissera jamais faire, il a estimé que « les trois groupes pourraient alors se mettre autour d’une table pour réfléchir à une sortie par le haut, quelque chose de sensé, pas simplement une offre hostile. »

Une autre option a été avancée par Damien Lasou, analyste chez Accenture. « Un ensemble Thales-Safran-Dassault-Finmeccanica, cela semble industriellement intelligent, mais il faudrait trouver quelqu’un pour le diriger et des arguments pour que Dassault aide à la manoeuvre » avait-il affirmé, le mois dernier.

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