L’ancien otage Hervé Ghesquière rouvre la polémique

Détenu par les insurgés afghans de décembre 2009 à juillet 2011 avec son collègue Stéphane Taponnier, Hervé Ghesquière publie aux éditions Albin Michel le récit de ses 547 jours de captivité. Une occasion pour lui de règler quelques comptes en revenant sur la polémique qui éclata au moment de l’annonce de leur capture.

Pour mémoire, et après avoir été intégrés pendant deux semaines au sein du bataillon français en charge de la province de Kapisa, les deux hommes y étaient retournés seuls pour voir, selon Hervé Ghesquière, si la principale voie – stratégique – qui traverse cette région était contrôlée par les forces de l’Otan.

Pourquoi avoir fait cela? Dans un entretien accordé à Télérama, Hervé Ghesquière explique : « Le problème avec l’armée, c’est qu’elle prend les journalistes pour des agents de communication. (…) En Afghanistan, à l’époque, le discours officiel était ‘ dormez tranquille, tout est sous contrôle.’ Nous, on a voulu constater sur place. Et on s’est fait enlever sur la route principale de la Kapisa, la plus petite Province de l’Afghanistan, qui représente 0,3% du territoire! Que les Français n’en contrôlent pas la route principale, ça pose un léger problème. Tout n’était donc pas sous contrôle, loin s’en faut. »

Le fait est, cette route – l’axe Vermont – ne sera sécurisée qu’en février 2011, grâce à l’action conjuguée des bataillons « Richelieu » (2ème RIMa) et Allobroges (7ème BCA).

Le président Sarkozy avait dénoncé à l’époque, par la voix de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, « une imprudence vraiment coupable parce (…) qu’il leur avait été très clairement demandé (ndlr, aux deux reporters) de ne pas s’aventurer ainsi parce qu’il y a des risques. » Qui plus est, la capture des deux reporters avait entravé l’action des militaires français et mobilisé des moyens qu’ils ne purent pas affecter ailleurs.

Pour autant, Hervé Ghesquière n’a pas le sentiment d’avoir commis une imprudence. « On n’est pas parti gravir la face Nord de l’Everest en tongs » aime-t-il à répéter. Et de prétendre que l’armée française ne l’avait pas prévenu des risques qu’il pouvait prendre en allant seul dans la province de Kapisa. Chose difficile à croire tout de même eu égard aux formulaires de décharge que chaque journaliste doit signer avant d’être « embedded ». Et quand bien même, il ne pouvait pas ignorer que 7 militaires français avait perdu la vie dans cette région au cours des 6 derniers mois précédents son « excursion ».

Quoi qu’il en soit, et toujours au sujet de ce procès en imprudence, Hervé Ghesquière en veut particulièrement au lieutenant-colonel Jackie Fouquereau, officier presse à Kaboul, qu’il accuse d’être à l’origine de la polémique.

« On a eu des abords très cordiaux à notre arrivée, tout se passait bien jusqu’à ce que je dise à une de ses sous-lieutenants qui nous accompagnait partout qu’elle nous empêchait de faire notre travail convenablement » a-t-il confié, en mars, à La Semaine dans le Boulonnais.

« Lorsqu’on a été pris en otages, ce cher monsieur s’est empressé de dire qu’il avait envoyé un mail à Lionel de Coninck (rédacteur en chef de Pièces à Conviction) pour dire qu’il y avait un risque d’enlèvement… Or, il n’y a aucune trace de ce mail, nulle part. Ensuite il a donc dit que c’était au cours d’un coup de fil entre lui et moi qu’il m’a averti de ce risque, chose qu’on ne peut évidemment pas prouver ! C’est lui le déclencheur de la polémique et il l’a entretenue à tout petit niveau » a-t-il ajouté lors du même entretien, au cours duquel il a accusé l’officier d’être un « lâche », ce qui est une grave insulte pour un militaire…

Enfin, Hervé Ghesquière en a aussi après la DGSE, notamment pour son « approche psychologique des otages. » « J’ai l’impression d’avoir été aussi bien considéré qu’au guichet de la Sécurité sociale un jour d’affluence » a-t-il déclaré, selon l’AFP.

Mais le mieux est sans doute de laisser le dernier mot de cette affaire au caporal Julien Panouillé, du 1er RCP de Pamiers, qui vient de publier son journal de bord, « 197 jours, un été en Kapisa« , aux éditions Mélibée :

« Tout est bien qui finit bien ! Aujourd’hui, les deux otages français sont libérés. Ils ont été détenus et relâchés à quelques centaines de mètres de l’endroit où ils avaient été ‘pris en otages’, dans la vallée qui s’étend sous nos yeux. Toute sortie de la FOB a été suspendue pour ne pas compromettre leur libération. Ici, cette information fait beaucoup de bruit notamment suite aux déclarations des journalistes à l’égard des forces françaises présentes sur le territoire. Eux seront accueillis en héros, nous l’avons amère. »

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