Une mission pour confirmer la cause du naufrage du sous-marin « Protée »
En avril 1995, une équipe de la Compagnie maritime d’expertise (Comex), spécialisée dans l’exploration sous-marine, retrouve par hasard l’épave d’un sous-marin gisant à 130 mètres de profondeur, sur les fonds du plateau de Blauquières, à 20 km de la côte, entre Marseille et Toulon, en testant un nouveau sonar monté sur le submersible Remora 2000.
Après des recherches, il s’avère que l’épave en question était celle du Protée, disparu entre le 18 et le 20 décembre 1943 avec ses 74 hommes à bord, dont 3 agents britanniques. Ce bâtiment était l’un des 31 sous-marins océaniques de grande patrouille de la classe 1.500 tonnes, dont la tête de série fut le Redoutable.
Ayant échappé au sabordage de la Flotte française à Toulon étant donné qu’il se trouvait à Alexandrie avec d’autres éléments de la Force X, alors surveillés par les Britanniques, le Protée finit par rallier l’Algérie pour intégrer les Forces navales françaises libres (FNFL) en mai 1943.
Après avoir été remis en état à Oran, le Protée est affecté au groupe de sous-marins d’Algérie (GSMA) avec l’Archimède, le Casabianca, le Glorieux (tous les trois démantelés en 1952) et le Marsouin. En novembre 1943, commandé par le capitaine de corvette Garreau, qui sera remplacé par le lieutenant de vaisseau Millé, il manque de couler un cargo ennemi malgré 3 torpilles tirées. Le 5 décembre, il est envoyé en mission près des côtes espagnoles pour y débarquer 2 agents.
Quelques jours plus tard, le 18, il appareille pour une patrouille, cette fois au large de Marseille. Seulement, le sous-marin ne donnera plus signe de vie, alors qu’il était attendu à Alger pour le 3 janvier 1944. Le seul élément tangible pour expliquer sa disparition a été donné par l’équipage du Casabianca, alors en mission dans un secteur voisin. Apparemment, le Protée aurait été victime d’un grenadage.
Seulement, les images de l’épave rapportées par Remora 2000 ont remis en cause cette hypothèse. « Les déflagrations auraient endommagé la coque. En fait, le Protée qui venait d’embarquer les 3 Anglais du côté de Cassis s’est engagé dans un champ de mines. Il a dû toucher l’une d’elles avec son kiosque, au moment ou il se mettait en plongée » expliquait, en mai 1995, au quotidien Libération, Henri Delauze, le fondateur de la Comex.
L’affaire aurait pu en rester là. Sauf que Jean Burtey, petit-fils du second maître René Burtey, disparu dans le naufrage du Protée, veut en savoir plus et prépare l’expédition « Orion » avec le concours de l’équipe Deap Sea Odyssee, emmenée par Jean-Michel Pontier, médecin hyperbare et plongeur confirmé.
« Quand j’ai vu l’extraordinaire tableau réalisé par Michaël Johnson à la demande de la Comex, ça a été le déclic. Je me suis dit qu’il fallait absolument que je plonge sur le Protée, au plus près de ces hommes admirables. Je voulais comprendre ce qui s’était vraiment passé, ce qu’ils avaient vécu, et surtout je voulais le faire savoir pour qu’on n’oublie pas leur sacrifice » a confié ce dernier au quotidien La Provence.
Il s’agit de déterminer les circonstances qui ont causé la perte du Protée. Mines sous-marine? Grenadage? Erreur du commandant? Problème technique du bateau?
Cette expédition aura trois phases. La première consistera à explorer les abords de l’épave avec un ROV (Remotely Operated Vehicle), c’est à dire un robot sous-marin mis en oeuvre depuis un bateau en surface. La seconde visera à envoyer des plongeurs pour des incursions de courte durée (15 mn pour 3 heures de décompression) près du Protée. Enfin, la dernière fera appel à une enceinte hyperbare placée au même niveau du submersible naufragé et dans laquelle prendra place, et pour plusieurs jours, deux membres de l’équipe qui pourront ainsi inspecter les lieux pendant plus longtemps.
Il n’est pas question de pénétrer à l’intérieur de l’épave, qui contiendrait encore les dépouilles des membres de l’équipage. D’ailleurs, la Marine nationale l’a déclarée « sépulture maritime ».
Cela étant, il reste à réunir les 330.000 euros de fonds nécessaires pour réaliser cette exploration, qui donnera lieu à un film. Les premières images que le ROV prendra de l’épave sont attendues avant la fin de cette année. Quant à la dernière phase de l’expédition Orion, elle devrait avoir lieu en 2013. Là, l’on saura sans doute ce qui est arrivé au Protée.