Syrie : Une zone d’exclusion aérienne envisagée par la Turquie et les Etats-Unis

Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour la dernière édition dominicale du quotidien Sud Ouest, 52% des personnes interrogées se disent favorables à une intervention militaire sous l’égide des Nations unies en Syrie. Quant à savoir s’il faut mobiliser les forces françaises pour une telle opération, 61% s’y disent opposés.

Quoi qu’il en soit, et alors que les combats font rage à Alep entre les rebelles et les troupes gouvernementales, le président du Conseil national syrien (CNS, opposition), Abdelbasset Sida, a demandé, le 12 août, la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie. D’après lui, les insurgés « libèrent des quartiers (…) Mais le problème, ce sont les aéronefs qui, ajoutés aux bombardement de l’artillerie, tuent et détruisent » a-t-il affirmé à l’agence de presse Reuters.

Justement, de zone d’exclusion aérienne, il en a été question la veille, lors de la visite en Turquie d’Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine. Plus généralement, cette dernière et son homologue turc, Ahmet Davutoglu, ont convenu de renforcer la coopération de leurs pays respectifs en matière de « planification opérationnelle » et envisagé des mesures pour faire tomber le régime de Bachar el-Assad.

Cela étant, imposer une zone d’exclusion aérienne est plus facile à dire qu’à faire. Sur le plan pratique d’abord : les aviateurs turcs sont désormais bien placés pour le savoir, eux qui ont perdu un avion F-4 de reconnaissance en juin dernier : les défenses aériennes syriennes sont nettement plus efficaces que celles dont disposaient les troupes du colonel Kadhafi en Libye.

D’autre part, l’opinion publique turque ne semble pas majoritairement favorable à un soutien d’Ankara aux rebelles syriens. Les informations selon lesquelles des combattants d’al-Qaïda et de militants des Frères musulmans seraient dans leurs rangs ainsi que l’aide financière et matérielle (armes) que leur apporte le Qatar et l’Arabie Saoudite font douter 60% des Turcs. Or, si une zone d’exclusion aérienne doit être mise en place, les appareils chargés de l’appliquer ne pourront que le faire soit depuis la mer, soit depuis la Turquie.

Enfin, le dernier point est d’obtenir le feu vert du Conseil de sécurité des Nations unies. On le sait, le régime syrien peut compter sur le veto de la Russie, qui dispose d’une base navale dans le pays, ainsi que celui de la Chine. Par ailleurs, avec le précédent libyen, Moscou et Pékin craignent que la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne se traduise dans les faits par une aide directe aux insurgés syriens, avec des frappes au sol contre des objectifs militaires.

A moins qu’une opération de cette nature ne soit déclenchée sans mandat de l’ONU, comme cela fut le cas pour le Kosovo, en 1999. Mais là, ce serait s’engager dans une voie plus que risquée alors que les Etats-Unis ont besoin de la bienveillance de Moscou sur le dossier afghan. Et, plus généralement, nul ne sait ce qu’il pourrait sortir de ce type d’initiative, le conflit pouvant s’étendre à d’autres pays, comme par exemple au Liban, voire même en Turquie, où les attaques des rebelles kurdes du PKK se multiplient, fort du soutien de la branche syrienne de ce mouvement.

Aussi, les marges de manoeuvre sont très limitées. Le 10 août, le Royaume-Uni a annoncé son intention de fournir des équipements de communication, des groupes électrogènes et du matériel médical, soit une aide de 5 millions de livres, aux insurgés syriens. « Il ne s’agit pas de prendre parti dans une guerre civile » a expliqué William Hague, le ministre britannique des Affaires étrangères.

Mais «le risque de chaos et de vide total du pouvoir est si important que nous devons maintenant établir des relations avec ceux qui pourraient gouverner la Syrie à l’avenir » a-t-il expliqué. « La population syrienne ne peut pas attendre que la roue de la diplomatie tourne. Beaucoup d’autres personnes mourront sans aide urgente » a-t-il ajouté.

Le manque d’action sur le terrain diplomatique, c’est ce qui est reproché au président Hollande par l’opposition en France bien qu’il a annoncé, la semaine passée, l’envoi en Jordanie d’un groupement médico-chirurgical militaire pour venir en aide aux réfugiés syriens.

Ainsi, son prédécesseur à l’Elysée, Nicolas Sarkozy, a eu un entretien téléphonique avec le président du CNS. Et les deux hommes sont tombés d’accord sur la nécessité d’une « action rapide de la communauté internationale pour éviter le massacre » en Syrie en mettant en avant « de grandes similitudes avec crise libyenne », ce qui, contrairement à ce que certains commentateurs ont dit ou écrit, ne veut pas dire que les deux cas sont identiques. Les mêmes ont aussi cru y voir un appel sous-entendu à une intervention militaire. Du moins, c’est que laissent entendre les proches de l’ancien chef de l’Etat.

Une telle option a explicitement été évoquée par Dominique de Villepin, le patron du quai d’Orsay au moment de l’affaire irakienne, sur les ondes d’Europe1, le 12 août. « Aujourd’hui, nous sommes sans doute un peu trop sur le reculoir (…) nous devons être en pointe, c’est-à-dire mobiliser à tous les échelons », a ainsi affirmé l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac. « Je suis pour que la diplomatie française se donne des dents nécessaires, ça veut dire garder l’option militaire ouverte, parce que si demain nous sommes sur une crise ouverte dans la région, il faudra bien que d’une façon ou d’une autre nous nous en mêlions », a-t-il ajouté.

Dans son esprit, Dominique de Villepin parle plutôt de la création de couloirs aériens protégés et d’un déploiement aéronaval au large de la Syrie, tout en appelant à ne pas « laisser en paix » les diplomates russes et chinois, qui soutiennent le régime de Bachar el-Assad.

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