Rafle du Vel’d’Hiv : Un discours et des questions
« Nous sommes rassemblés pour évoquer les heures noires de la Collaboration, notre histoire et donc la responsabilité de la France » a commencé par dire le président François Hollande, à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’d’Hiv, au cours de laquelle, les 16 et 17 juillet 1942, 13.152 juifs arrêtés par la police française furent rassemblés avant d’être déportés vers les camps de la mort nazis.
« La vérité est dure, cruelle : pas un soldat allemand ne fut mobilisé pour cette opération (…) La vérité, c’est que le crime fut commis en France, par la France » a encore poursuivi le chef de l’Etat, avant de préciser que ce « fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur ».
A cette époque, le maréchal Pétain, à qui le Parlement avait voté les pleins pouvoirs, était à la tête de « l’Etat français », c’est à dire le « Régime de Vichy », lequel avait la main sur l’administration du pays. A noter que dès lors, la mention « République française » disparut des actes officiels. Dans le même temps, à Londres, le général de Gaulle lançait la « France Libre » après son fameux appel à la Résistance du 18 juin.
Par conséquent, la France n’était pas une et indivisible : il y a ceux qui prônaient la collaboration et qui trouvaient même le maréchal Pétain pas assez « collaborationniste » (voir à ce sujet la somme livré par Henri Amouroux sur les Français et l’occupation) et ceux qui refusaient la défaite.
D’où plusieurs questions au sujet des déclarations présidentielles : Si la France est responsable d’avoir commis l’irréparable en juillet 1942, est-ce que cela inclut la France Libre? Et la France Libre n’était donc pas la France? Et que faire alors de l’ordonnance du 9 août 1944, toujours en vigueur, du Gouvernement provisoire de la République française, qui nie toute légitimité au gouvernement de Vichy?
« La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit, celle-ci n’a pas cessé d’exister » dit son premier article tandis que le second précise que « sont en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu’au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française ».
Qui plus est, la légitimité du régime de Vichy avait été juridiquement contestée avec par René Cassin, lequel rédigea la déclaration organique de la France Libre du 16 novembre 1940.
D’autre part, bon nombre de responsables de l’Etat français, à commencer par le maréchal Pétain et Pierre Laval, furent frappés « d’indignité nationale » et reconnus coupables de haute trahison.
Aussi, rendre la France responsable de la rafle du Vel’d’Hiv, n’est-ce pas ainsi rendre de la légitimité au gouvernement de Vichy et au maréchal Pétain tout en enlevant à la France Libre?
D’un autre côté, quand on parle de la France, l’on évoque son territoire, bien sûr, mais aussi et surtout les Français dans leur ensemble, ses symboles et ses valeurs.
Aussi, quand le président Hollande dit que la rafle du Vel’d’Hiv fut une trahison envers les valeurs de la France, que « la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur », n’y a-t-il pas là une contradiction en affirmant précédemment que la France est responsable de ce crime?
Ce ne sont que des questions… Alors oui, la vérité est cruelle. Cruelle parce que des Français ont commis l’irréparable pendant que d’autres Français luttaient jusqu’au sacrifice suprême dans les sables de Bir Hakeim ou dans le ciel de la Manche. Cruelle parce que des Français choisirent de combattre sous l’uniforme allemand sur le Front de l’Est pendant que d’autres Français s’illustraient avec le Normandie-Niémen. Cruelle parce que des Français dénoncèrent d’autres Français pour leurs actions dans la Résistance.